Géodésiques nulles en relativité : frustration de ne pas bien en comprendre toute la portée: 9/12/23

Lumière et géodésiques nulles

On définit souvent les géodésiques nulles comme étant générées par la lumière (ondes électromagnétiques)

En fait les géodésiques nulles sont définies par la géométrie de l’espace-temps résultant de l’équation d’Einstein. La lumière (les ondes électromagnétiques) et les ondes gravitationnelles ne font qu’exister sur ces géodésiques nulles. Notons qu’on ne dit pas « se propager« , terme qui connote une approche newtonienne, mais exister car une géodésique, en relativité, est une courbe dans l’espace-temps (courbe spatio-temporelle) dont la nature inclut intrinsèquement ce qu’on appelle l’espace, le temps et le mouvement en mécanique classique.

Pour en savoir plus, voir:

Pour expliquer la complexité physique : nécessité d’un autre paradigme ! (29/03/22)

Deux géodésiques nulles ne différant que par un boost, sont-elles des géodésiques différentes?

Lorsqu’on considère une géodésique nulle, caractérisée, géométriquement seulement par ds² =0, par exemple pour définir le « cône de lumière « local, le paramètre affine de la géodésique nulle, illustrée par photon sur la géodésique nulle, n’est pas évoqué. Soulignons, qu’une ligne d’univers de type nul est toujours une géodésique à la différence d’une ligne d’univers de type temps, par exemple, qui peut être une géodésique ou non.

Relativité générale et géodésiques

Ce dernier soulevant le problème de savoir si des lignes non géodésiques sont des solutions de la relativité générale car la finalité de l’équation d’Einstein était de définir la dynamique d’un système (caractérisée par les géodésiques) alors qu’en fait il définit un espace-temps, ce qui est plus que l’objectif.

L’approche moderne se concentre d’ailleurs sur des méthodes d’analyse (congruences par exemple) qui visent à ne pas considérer l’espace-temps comme un ensemble de points spatio-temporels, où le point est l’élément fondamental, mais de le structurer par des géodésiques, où ce sont les géodésiques qui sont les entités fondamentales.

A ce titre nous verrons quel sera le rôle respectif des géodésiques nulles et non nulles

Ce point qui n’est pas anodin a été discuté par ailleurs, mais ce qui est certain c’est que soumis à lui-même, seules les géodésiques sont utiles, un mouvement non géodésique ne peut résulter que de perturbations par des éléments extérieurs, qui peuvent cependant, par couplage local avec l’espace-temps relativiste, trouver un traitement de type perturbatif pertinent, dans le cadre de la relativité générale.

Il est philosophiquement intéressant de constater qu »une théorie peut aller au delà de ses objectifs et d’analyser en quelles circonstances cela est possible.

Terminons cette digression pour revenir à l’objet de l’article.

Photons et boosts

Il est vrai que si on considère 2 photons, respectivement, A de fréquence fA et B de fréquence fB, issus du même point au même Pe, ils vont être reçus au même point Pr , simultanément mais toujours avec des fréquences différentes.

On peut considérer que les photons de fréquences fA et fB diffèrent par un boost, fB pouvant être un photon identique à fA, mais émis dans un référentiel inertiel local différent de celui de fA, animé d’une vitesse relative v constante (un boost)

Tous autres paramètres égaux par ailleurs, sur une géodésique spatio-temporelle, (dans l’espace-temps), même avec ds² =0, l’impulsion (4-momentum), représenté par la fréquence d’un photon qui y serait (virtuellement?) attaché, dans l’espace-temps, du fait la définition de géodésique spatio-temporelle, ce sont des géodésiques différentes.

Géodésiques nulles vs géodésiques de type temps

Pour des géodésiques de type temps, par exemple, il est clair, que dans le cas corps central (Schwarzshild) qu’un observateur A en chute libre depuis l’infini sans vitesse initiale (sa vitesse est nulle à l’infini) et qu’un observateur B partant au même moment mais avec un boost (une vitesse initiale non nulle) suivent des géodésiques différentes, en particulier B va arriver avant A , à un point déterminé caractérisé par ses coordonnées (t,x,y,z).

On est naturellement tenté de rapprocher les phénoménologies, car dans les 2 cas la différence se manifeste par un écart de paramètre affine, un intervalle de temps propre pour les géodésiques de type temps, un intervalle d’impulsion (fréquence)pour pour les géodésiques nulles.

Ceci nous conforte dans l’analyse que nous avons faite pour les géodésiques nulles.

Si la fréquence des photons implique des géodésiques différentes, pourquoi certaines phénoménologies n’en dépendent pas: n’est-ce pas une contradiction?

Certaines phénoménologies comme la déviation de la lumière par des corps massif ne dépendent pas de la fréquence de la lumière (du paramètre affine de la géodésique nulle). Cela ressemble à un phénomène « achromatique », comme la réflexion par un miroir en optique, alors que la réfraction en dépend. Manifestement le paramètre affine de la géodésique nulle (l’impulsion relativiste) n’intervient pas dans le phénomène.

La déviation de la lumière par des masses: un phénomène spatial en non pas spatio-temporel

Mais comme ce phénomène de déviation est observé et mesuré dans l’espace, (ce qui suppose un feuilletage sur lequel on observe « l’ombre « du phénomène), et non pas dans l’espace-temps, cela n’est pas contradictoire . Analysé dans l’espace-temps ces phénomènes restent différents.

Boosts des géodésiques nulles : Un degré de liberté ?

A témoin des solutions comme celle de Schwarzschild (aussi Kerr) où les géodésiques nulles sont parfaitement définies (en effondrement de surcroît pour les géodésiques principales nulles radiales entrantes) sans qu’un quelconque photon ne soit intervenu dans la définition de l’espace-temps par l’équation d’Einstein.

Ceci nous amène à une réflexion: les boosts font-ils partie de la solution donnée par l’équation d’Einstein ou sont-ils, comme les lignes d’univers non géodésiques, une « extension » qu’on peut considérer avec intérêt, mais qui sont tout de même une extension.

Si l’équation d’Einstein définit bien des géodésiques nulles (de plus fondamentales, comme l’étude l’a montré : géodésiques nulles principales révélant la structure de l’espace-temps) , comme cité dans l’exemple de Schwarzschild, on ne voit pas de boost résultant de l’équation.

Soit ce serait nous, qui les introduirions, « en habillant » la structure relativiste d’objets « physiques » (observateurs, masses, photons) à qui on conférerait un boost, soit cela résulte d’une liberté que permettent les équations (invariance par ajout d’un boost) . Cette dernière hypothèse est privilégiée

Bien entendu la théorie, pour être pleinement utile, doit décrire des objets physiques, car nous vivons dans un monde physique, mais ayons conscience de la manière dont ces objets physiques se couplent avec la théorie et que c’est nous qui les introduisons. Sinon, il y a risque de contresens d’interprétation. Bien entendu ceci vaut pour tout ce que nous avons dit avant (boosts de géodésiques nulles et non nulles).

On peut déterminer totalement la géométrie conforme de l’univers uniquement par des géodésique nulles?

En tout point de l’espace temps on peut faire passer une infinité de géodésiques nulles. Tous les points de l’espace-temps peuvent être insérés par une infinité de géodésiques nulles. Par ailleurs, on sait que dans des solutions, il existe des géodésiques nulles principales qui déterminent la structure de l’espace-temps.

Peut-on cependant définir une forme de métrique de type nul permettant de définir les géodésiques de type temps à partir des géodésiques nulles?

Ce que nous avons indique précédemment, le fait que l’univers (l’espace-temps) n’est pas un ensemble de points mais un ensemble de courbes (géodésiques) nous oriente vers une réponse négative. Les géodésiques globales de type temps ne peuvent pas être représentées globalement par des compositions de géodésiques nulles.

Les géodésiques nulles seraient le « squelette » lui conférant ses propriétés géométriques globales conformes à l’espace temps, dont les « chairs » (géodésiques non nulles) resteraient à construire.

Dans le vide, la géométrie des solutions est régie par le tenseur (conformément invariant) de Weyl

Nous savons que, dans le vide, le tenseur de Riemann se réduit au tenseur de Weyl qui est un tenseur invariant par toute transformation conforme.

Il doit s’ensuivre que les seules propriétés physiques pertinentes doivent être les propriétés conformément invariantes. Ceci permet de comprendre le rôle fondamental des géodésiques nulles.

A ce titre, à elles seules elles définissent complètement la géométrie d »un espace-temps vide.

Ceci répond à la question que nous nous posions.

La puissance heuristique des géodésiques nulles

De ce qui précède, il ne faut donc pas s’étonner du rôle crucial qu’elles ont joué dans la découverte des solutions modernes de la relativité générale, par exemple dans la solution de Kerr pour les trous noirs.

Pour ne pas les avoir considérées comme primordiales dans les premières solutions, (Schwarzschild et al), on se heurtait à une grande difficulté de généralisation.

Il a fallu 47 ans pour passer de la solution de Schwarzschild à celle de Kerr, alors forcement cela interpelle.

Ce sont bien les travaux sur la classification des espace-temps par les géodésiques nulles principales, ce type de géodésiques nulles caractérisant, à elles-seules, des types d’espace-temps (classification de Petrov-Pironi), qui ont permis des solutions comme celle de Kerr. Un commentaire, éclairant, à ce sujet est donné par B. Carter dans son article de synthèse de 1968 (Physical Review), sur les trous noirs de la famille de Kerr: « 

La structure conforme définit -elle toutes les propriétés de l’espace-temps?

Nous n’avons considéré dans l’espace-temps que les géodésiques nulles. Nous avons insisté sur leur importance, elles couvrent, de manière infinie (il y en a une infinité en chaque point), tous les 4-points (spatio-temporels) de l’univers, elles définissent la structure conforme dont la causalité qui apparaît alors comme une propriété conforme, mais bien-sûr ne sont pas des lignes d’univers de type temps ou espace (comme indiqué précédemment). On peut se poser alors le problème suivant:

La connaissance des toutes les géodésiques nulles d’un espace-temps permet-elle de définir les géodésiques non nulles?

En géométrie analytique, la géométrie de ces géodésiques nulles est définie par l’équation:

ds² = 0 = gmn dxmdxn

Elle dépend de la métrique. Supposons que nous ne connaissions pas la métrique mais seulement la géométrie des géodésiques nulles, sachant qu’elles résultent de l’équation ci-dessus, peut-on en déduire la métrique gmn (elle est l’inconnue). Si nous pouvons déduire la métrique nous pouvons alors, avec ds² différent de zéro, construire tous les type de géodésiques. Deux situations.

1-Si nous avons défini les géodésiques nulles par cette relation, nous connaissons la métrique, la réponse est triviale c’est oui.

2-Par contre si nous avons construit les géodésiques nulles sans faire appel à la métrique (géométrie affine) la question est pertinente. Peut-on aussi construire les géodésiques non nulles associé à l’espace-temps correspondant aux géodésiques nulles, en géométrie affine, ou encore mieux peut-on déterminer la métrique associée en partant d’une forme générique de métrique et en la contraignant par des propriétés affines de type conforme seulement.

Y-a-t-il une solution unique (ce qui serait surprenant) ou une classe de solutions et ceci est -il compatible avec la quadruple indétermination des équations d’Einstein (choix des coordonnées-invariance par difféomorphisme qui permettent des choix de jauge), alors ne sont-elles pas équivalentes?

On connaît l’invariance de la solution par difféomorphisme qui précisément consiste à des changements de jauge (ce qui ne change pas la structure conforme).

Peut-on considérer la relativité générale comme une théorie conforme des champs (CFT)?

Si les propriétés conformes suffisent à contraindre la théorie alors elle pourrait entrer dans cette catégorie ce qui ouvrirait une passerelle vers d’autres théories modernes.

Soulignons l’importance des propriétés conformes: rapport des longueurs (tailles) conservées, angles conservés d’où il résulte les similitudes entre objets, mais pas de mesures. Une mesure résulte une opération conforme où on fait le rapport entre un objet à mesurer et un étalon de mesure arbitraire, ce qui donne une échelle.

La question est alors de se demander si le phénomène est indépendant d’échelle ou non. S’il est indépendant d’échelle les propriétés conformes devraient suffire.

Des géodésiques nulles avec photons

Dans le cas où la solution ne concerne plus un espace-temps vide, comme le tenseur de Riemann ne se réduit plus au tenseur de Weyl, alors nous ne pouvons plus affirmer que la structure conforme définit totalement l’espace-temps.

Il faut distinguer ce cas, où les photons ne sont plus fictifs mais font partie de la solution. Dans le cas de la solution cosmologique de Friedmann-Lemaître des photons peuvent être inclus dans le modèle, donc l’équation d’Einstein les prendra en compte , car ils contribuent à la définition de l’espace-temps résultant.

Mais, on sait qu’ils vont décrire des géodésiques nulles de cette géométrie qu’ils ont contribué (avec de la matière par exemple) à définir. La génération de ces géodésiques nulles par les photons est donc « indirecte et partielle ».

Le fait d’avoir un degré de liberté de moins devrait simplifier les équations.

Dans le cas ou la structure conforme définit l’espace-temps, en principe ce devrait être plus simple. Voir par exemple les congruences de géodésiques nulles vs géodésiques de type temps. Un travail de synthèse et d’analyse formelle en profondeur, en particulier sur la nature de la différence structurelle des géodésiques nulles et des autres, ce qui ne semble pas très simple, reste à accomplir dans ce domaine, à suivre…

Les géodésiques nulles définissent la structure causale de l’espace-temps

Localement c’est le « cône » de lumière qui définit la relation de causalité. Par intégration on peut étendre cette définition causale.

Pour en savoir plus:

De la causalité en relativité 21/08/23

Classes de géodésiques nulles principales qui caractérisent le type-d’espace-temps.

Cela a été formalisé par Petrov et Pirani, bien que déjà découvert par E. Cartan plus de 10 ans avant dans le cas particulier de la solution de Schwarzschild. Il existe des classes de géodésiques particulières appelées principales qui caractérisent, à elles seules le type d’espace-temps, par la structure qu »elles imposent. Leur étude révèle les propriétés essentielles de l’espace-temps.

Formalisme de Newmann- Penrose

Ce formalisme qui fait l’objet d’un autre article sur ce site, souligne l’importance structurelle des géodésiques nulles. Ceci se manifeste par un morphisme entre le formalisme et le phénomène qui simplifie les équations.

Voir:

Espace-temps. Coordonnées. Celles de type nul, conduisent à un nouveau paradigme.

pour plus d’information

En relativité restreinte le choix d’une base de vecteurs nuls simplifie les transformations.

Nous avons montré comment ce choix, alternatif à celui d’une base minkowskienne qui est usuel, qui peut paraître étrange simplifie les transformations (rotations, boosts)

Comprenons-nous toute l’importance de ces géodésiques nulles?

Face à ces particularités, on est tenté de supputer que nous ne voyons que la face émergée de l’iceberg.

Frustration de ne pas y retrouver l’espace et le temps

En effet, souvent, lorsque dans des transformations de coordonnées des coordonnées nulles apparaissent, (par exemple dans l’établissement de la forme de Kruskal à partir de la forme de Schwarzschild), nous nous empressons de les remplacer par des coordonnées de type temps et espace. Pourquoi sommes-nous mal à l’aise avec des coordonnées nulles (rappelons que les coordonnées qui sont des fonctions sont représentées par des courbes sur la variété qui modélise l’espace-temps)?

La nature des courbes nulles est de l’espace-temps

La nature physique des courbes nulles est de l’espace-temps, concept imposé par la relativité générale mais qui est étranger aux habitudes de pensée de notre esprit.

Par ailleurs comme le ds² des courbes nulles est nul, sa représentation dans un espace « newtonien » ferait que ces courbes seraient des points et dans un espace-temps on ne saurait pas facilement le représenter car implicitement nous pensons espace et temps!

Conclusion: L’univers, un océan de lumière où s’insèrent des continents de type temps?

Nous avons évoqué l’image du squelette (géodésiques nulles) et des chairs (géodésiques de type temps, par exemple). Ici, nous évoquons une image, moins anatomique et plus poétique. Cette image, est vouée à illustrer que les géodésiques nulles définissent les mailles de la structure de l’espace sur lequel des ilots de régions non nulles vont exister dans les mailles. Mais, si nous avons dissipé quelques parcelles de la brume qui enveloppe ce paysage, pour l’essentiel elle n’est pas encore levée. C’est ainsi que progresse généralement la connaissance.

Notons que nous sommes intéressés par les géodésiques de type temps mais il en existe aussi de type espace dont nous comprenons pas plus clairement l’existence

Il reste beaucoup à faire intellectuellement pour nous débarrasser ou dépasser ces habitudes de pensée qui entravent notre perception de l’univers.

à suivre…

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