Espace-temps: Qu’est-ce qu’il n’est pas ?
En relativité, l’espace-temps, contrairement à ce que son nom semble indiquer, n’est pas une concaténation de l’espace et du temps, pas plus qu’un mélange ou une composition d’espace et de temps, pour la raison très simple, qu’en relativité, le temps et l’espace ne sont pas des entités physiques (des ombres de l’espace-temps selon Minkowski). Ainsi, quand on décrit, en langage newtonien, l’espace-temps comme quelque chose dans toute son extension spatiale et temporelle, ce ne peut être qu’une évocation, qui n’est pas strictement correcte, car on ne peut décrire une entité physique par des entités qui ne le sont pas (les ombres).
Espace-temps: Un nouvel élément fondamental dépositaire de la réalité physique
Le concept d’espace-temps, est une entité indivisible, seul capable de représenter la « réalité physique » réduisant l’espace et le temps à n’en donner que des ombres, comme Minkowski (1907, se référant sans doute à l’allégorie de la caverne de Platon, l’avait déclaré à propos de la relativité restreinte, ce qui demeure vrai en relativité générale. Par réalité physique, on entend qu’il y aura un accord par tous les observateurs, quels qu’ils soient, sur la nature et les paramètres du phénomène observé.
Ce qui caractérise le mieux l’espace-temps c’est la nature des géodésiques de type nul (celles suivies par la lumière), ce qui n’est pas étonnant puisque ce sont les seules qui satisfont à la contrainte de célérité limite (maximale) qui est la contrainte qui confère à l’espace-temps sa structure hyperbolique. Notons que leur « temps » propre est nul (d’où leur nom) et qu’elles sont toujours géodésiques, alors que pour les autres géodésiques et lignes d’univers, pas nécessairement géodésiques, (type temps ou de type espace), ce critère n’est pas satisfait.
Il peut paraître, alors, étonnant que, lorsqu’on définit une métrique, on s’attache à la décrire avec une coordonnée de type temps et trois d’espace et non pas avec des coordonnées nulles. Ceci est dû à une survivance de la pensée newtonienne, où temps et espace sont des données immédiates de notre pensée, pour expliciter sa signification.
On reproche à la représentation par des coordonnées nulles que la géodésique lumière n’est pas un référentiel pouvant être balisé en temps et espace. Si cette notion de référentiel a pu être utile aux balbutiements de la relativité avec les transformations de Lorentz, elle n’a rien d’indispensable.
Les coordonnées sont arbitraires et par des transformations de coordonnées on peut passer d’une représentation à une autre. Le formalisme (tétradique) de Newmann-Penrose, évoqué ci-après, en donne un excellente illustration et montre son intérêt. On trouvera des articles exposant plus en détail l’intérêt des géodésiques nulles en:
http://astromontgeron.fr/s%C3%A9minaire-maths-philo_2019.pdf
http://astromontgeron.fr/SR-Penrose.pdf
L’explication phénoménologique proposée par la métrique avec une coordonnée de type temps et trois d’espace est biaisée, ce qui peut expliquer qu’on ait du mal à la comprendre.
Bachelard, dans le nouvel esprit scientifique soulignait que la relativité ne peut pas se réduire à la mécanique newtonienne et que leur comparaison en champ faible ne pouvait se faire qu’au prix de mutilations de la théorie de la relativité!
La métrique avec coordonnées nulles, plus difficile à interpréter, est plus profondément et structurellement liée au phénomène, ce qui se manifeste concrètement par une plus grande simplicité dans l’exposé des résultats comme cela sera évoqué ci-après.
Qu’appelle-t-on réalité physique: Un exemple
Par exemple, supposons qu’on observe deux explosions d’étoiles (supernovas) dans l’univers. C’est un événement qui a un caractère physique propre indépendant de la manière dont il peut être observé.
Différents observateurs mesureront des distances, toutes différentes d1, d2, …dn, entre elles, et mesureront conjointement des intervalles de temps t1, t2, .ti,..tn, entre leur explosions, tous différents.
Mais si chacun calcule l’intervalle d’espace-temps si entre les deux explosions, à partir de ses propres données di, ti, alors ils vont trouver le même résultat (s1 = s2 =..si = ..sn = s). C’est cette isomorphie d’unicité, qui confère à l’espace-temps le statut de représentation de la réalité physique.
Pourquoi ne sommes nous pas familiers avec l’espace-temps
C’est ce concept d’espace-temps, probablement le plus difficile à se représenter, qui a donné le plus de mal aux scientifiques dans le cheminement des idées à propos de la relativité.
Les concepts de temps et d’espace, considérés en général comme des données immédiates de notre conscience, sont si ancrées dans nos structures mentales et habitudes de pensées, fondées sur notre expérience, qu’il est difficile de s’en détacher quand on traite des problèmes relatifs à l’espace-temps. En effet, dans notre environnement humain et terrestre, les effets spécifiques de l’espace-temps sont si infimes qu’il est difficile de le distinguer de ses ombres !
L’espace-temps synthétise en une entité l’espace, le temps et le mouvement
En effet, par exemple, l’équation d’Einstein définit l’univers par un espace-temps, qu’on modélise par sa géométrie, qui contient ces trois éléments dans les géodésiques.
Que reste-t-il du temps et de l’espace: Les coordonnées.
Au vu de ce qui est dit précédemment, on pourrait supposer, pas grand chose ! On va retrouver l’espace et le temps dans les coordonnées permettant de définir la métrique de l’espace-temps (ce qui permet de calculer l’intervalle d’espace-temps). Bien entendu ces coordonnées sont arbitraires et à ce titre on ne peut pas leur prêter de caractère physique, ce qui a été un traumatisme pour bien des scientifiques au début du vingtième siècle. L’espace et le temps ne servent que d’intermédiaires dans ce calcul. En fait on peut s’en passer en utilisant ce qu’on appelle des coordonnées nulles qui ont un caractère spatio-temporel et qui en général simplifient les calculs, du moins dans certains cas.
Notons qu’au début de la relativité restreinte on a tenté de sauver ces concepts par des artifices, comme la synchronisation de référentiels galiléens mais que cela ne s’appliquait qu’à un seul référentiel. Bien qu’il y ait des transformations de Lorentz pour traiter un cas plus général, cela devenait assez complexe et la relativité générale a sonné le glas de la méthode.
Le formalisme de Newmann-Penrose
Newmann et Penrose ont développé un formalisme utilisant une base locale (formalisme des tétrades) de vecteurs nuls qui d’ailleurs conduisent à une structure locale de l’espace-temps de type spinoriel. Comme la relativité générale est de type tensoriel cela conduit à un formalisme assez complexe spino-tensoriel mais qui au vu de l’efficacité du procédé peut bien refléter la structure intime de l’espace-temps.
Le formalisme tétradique, utilisé en relativité générale repose, en général, sur une base orthonormée pour définir l’espace-temps local qui est celui de la relativité restreinte. La relativité restreinte est généralement définie en coordonnées de Minkowski (t, x, y, z), dans un référentiel galiléen, où sont également définis les trajets des rayons lumineux.
En rupture avec ce point de vue, nous proposons, par un nouveau paradigme, d’inverser le procédé en utilisant une base de vecteurs nuls associés à des coordonnées nulles, adaptées aux chemins lumineux, comme référence en relativité restreinte au lieu de celles de Minkowski qui sont, en fait, un vestige de l’héritage de la mécanique newtonienne. Ceci est motivé par plusieurs raisons (corrélées).
Premièrement, comme c’est le fait de l’existence d’une vitesse « maximale » associée à la vitesse de la lumière qui implique la structure hyperbolique de l’espace-temps, les informations relatives à cette structure particulière de l’espace-temps devraient être inclues dans la nature des géodésiques suivies par la lumière, les rendant plus appropriés à la compréhension de l’espace-temps hyperbolique.
Deuxièmement, comme le nombre de référentiels galiléens différents est infini et qu’ils sont tous équivalents, le choix d’un d’entre eux est arbitraire, alors que le fait que la célérité de la lumière soit la même dans tous, la rend unique, donc non arbitraire.
On objecte souvent qu’un repère dont la base est constituée de vecteurs nuls n’est pas un « référentiel » galiléen synchronisable comme l’est un repère minkowskien. Mais cette « contrainte », héritée de l’analyse newtonienne, si elle est agréable à notre esprit n’a non seulement rien d’obligatoire mais ne peut que nous égarer en nous maintenant dans nos habitudes.
Comme les relations et les transformations entre une base minkowskienne et une base nulle ne posent aucun problème, un résultat acquis dans une base nulle peut être transposé si nécessaire dans une base minkowskienne, pour une éventuelle interprétation « newtonienne » et vice-versa.
Non seulement aucune restriction n’est à craindre dans l’utilisation d’une base nulle, mais l’interprétation qu’elle nous présentera sera plus conforme à la nature de la relativité puisque cette théorie tire son originalité précisément des propriétés de la lumière.
Nous affirmons donc que, par ce choix, comme plus d’informations sur la phénoménologie sont inclues dans le formalisme, cela simplifiera les calculs et éclairera la compréhension des propriétés structurales de cet espace-temps.
A titre d’exemple, nous montrons qu’en coordonnées nulles, telles que définies par le formalisme de Newmann-Penrose , le formalisme est plus simple.
Nous proposerons une interprétation phénoménologique de ce résultat.
Directions principales nulles d’un espace-temps
Nous avons indiqué le rôle primordial que joue la lumière dans l’espace-temps relativiste puisque que c’est l’existence de la vitesse limite associée qui contraint sa structure. Il faut donc s’attacher à développer des formalismes incorporant cette caractéristique car ils seront les plus performants pour décrire et comprendre la théorie.
Ainsi, si l’étude des symétries géométriques, a priori, des espaces-temps relativistes ont permis rapidement de trouver quelques solutions simples, la solution pour un corps en rotation a dû attendre 47 ans pour être trouvée.
La solution du corps en rotation a été possible en utilisant d’autres méthodes où, précisément, les géodésiques nulles (celles définies pour la lumière) vont jouer un rôle déterminant et vont permettre, au delà de la découverte de cette solution, de définir une classification des types d’espace-temps. C’est l’existence et la configuration de classes de géodésiques principales nulles définies par des critères particuliers qui va les caractériser.
Classification de Petrov-Pirani
Dans la solution, dans le vide, que nous étudions le tenseur de Riemann se réduit au tenseur de Weyl décrivant un espace-temps conforme qu’on peut caractériser par les géodésiques nulles.
Étudier les symétries des familles de géodésiques nulles va permettre de classer les espaces-temps en différents types.
C’est cette démarche, qui s’est révélée fructueuse, que nous allons brièvement présenter.
Définition
Les éléments essentiels, qui ont conduit à cette classification1 qui a été à la source de progrès importants dans le développement de la théorie de la relativité générale sont les suivants.
Comme un espace-temps vide est caractérisé par le tenseur de Weyl (tenseur conforme), cette classification, [2], [3], permet de cataloguer des types d’espaces-temps vides particuliers par le nombre de valeur propres du tenseur de Weyl considéré comme un opérateur Cabmn s’appliquant sur des bi-vecteurs (tenseurs à deux indices) soit :
Xab→½CabmnXmn.
Ces valeurs propres λ caractérisées par
½CabmnXmn. =λ Xab,
vont déterminer les niveaux de symétrie de ce tenseur.
On peut avoir de 1 à 4 valeurs propres différentes dont les combinaisons donnent :
Type I : quatre directions principales nulles,
Type II : une direction double et deux directions simples principales nulles,
Type D : deux directions doubles nulles,
Type III: une direction triple et une direction simple principale nulles,
Type N: une direction quadruple principale nulle,
Type O : le tenseur de Weyl s’annule.
Interprétation physique
En Relativité Générale les différents types de Petrov algébriquement spéciaux peuvent s’interpréter physiquement, la classification résultante étant quelquefois appelée la classification des champs gravitationnels.
Les régions de type D sont associées aux champs gravitationnels d’objets massifs isolés, comme les étoiles. Plus précisément le type D est associé au champ gravitationnel d’un objet qui est complètement caractérisé par sa masse, sa charge électrique et son moment angulaire (Un objet plus général a des moments multipolaires d’ordre plus élevés non nuls).
Les deux directions nulles principales définissent les congruences nulles radiales entrantes et sortantes près de l’objet qui est la source du champ.
Le tenseur gravito-électrique (tenseur de marée) dans une région de type D ressemble beaucoup à son cousin Newtonien décrit par un potentiel gravitationnel de type Coulombien. Un tel champ de marée se traduit par une élongation dans une direction et une compression dans les directions orthogonales, les valeurs propres ont le profil (-2, 1, 1).
Par exemple une capsule spatiale en orbite autour de la Terre subit une élongation radiale minuscule et une compression minuscule dans les directions orthogonales.
Le champ de marée décroît en O(r-3), comme en mécanique Newtonienne où r est la distance à l’objet.
À ces valeurs propres dont le nombre (de 1 à 4) dépend des symétries de l’espace-temps, on peut associer des congruences de vecteurs nuls (quatre différentes dans le cas de symétrie minimum, jusqu’à une valeur quadruple dans le cas le plus symétrique) et lµ, nµ, dans notre cas.