L’existence comme préalable
La nature de la connaissance et de ses limites structurelles a été discutée dans des pages de ce site. Quelques points essentiels sont brièvement repris ici.
Le point essentiel est le problème de notre existence, qui se présente comme une évidence, mais que nous ne comprenons pas, ce que l’existentialisme théorise mais qui peut laisser sur sa faim, car cela peut sembler une manière d’éluder la question alors qu’en fait elle stipule que la question n’a pas de sens puisque pour se la poser il faut exister. Il en va de même pour l’existence des atomes et des lois fondamentales.
Un peu d’histoire
La nature et la valeur de la connaissance a été étudiée dès l’antiquité (par exemple Platon avec l’allégorie de la caverne) puis a été au cœur des des débats philosophiques de l’époque classique, alors que, moins encadrée par les dogmes religieux, la science prenait de l’ampleur.
Connaissance et vérité
Un point essentiel était la relation entre connaissance et vérité.
Ainsi Kant déclarait :
« Les deux souches de la connaissance humaine, qui partent peut-être d’une racine commune mais inconnue de nous ; la sensibilité et l’entendement ; par la première les objets nous sont donnés, par la seconde ils sont pensés »
Note : Par sensibilité, il faut comprendre ce qui nous est accessible par nos sens.
Kant déclarait également (entre autres)
« La vérité, dit-on, consiste dans l’accord de la connaissance avec l’objet. Selon cette simple définition, ma connaissance doit donc s’accorder avec l’objet pour avoir valeur de vérité. Or le seul moyen que j’ai de comparer l’objet avec ma connaissance, c’est que je le connaisse. Ainsi ma connaissance doit se confirmer elle-même. Mais c’est bien loin de suffire à la vérité . Car puisque l’objet est hors de moi et que la connaissance est en moi, tout ce que je puis apprécier c’est si ma connaissance de l’objet s’accorde avec ma connaissance de l’objet. Les Anciens appelaient diallèle un tel cercle dans la définition. »
(cité dans « Le plaisir de pensée- de A. Comte-Sponville, éd. Vuibert)
On voit que l’étude de la relation entre connaissance et vérité conduit à une auto-relation dont on ne peut rien déduire de vrai !
Par ailleurs il est souligné, dans d’autres articles, que la connaissance d’un objet se heurte à la complexité de l’objet dont il est, en général, impossible de saisir tous les aspects. L’avis général est que la connaissance ne peut être, au mieux, qu’une partie de la « vérité ».
La révolution scientifique du 20ième siècle
Alors que la science classique pensait être arrivée à un aboutissement à la fin du 19ième siècle, l’émergence de la relativité (restreinte puis générale) et de la mécanique quantique allait tout remettre en cause. Cela a concerné la science et en conséquence la nature de la connaissance.
Le rôle de l’expérience va changer.
Avant, l’expérience était considérée comme une question précise qu’on pose à la nature, à propos d’une hypothèse préconçue formulée par notre entendement, dont on teste la validité. En effet le dispositif expérimental est conçu en fonction du résultat qu’on escompte (ce qui fait dire à certains, une expérience est une théorie matérialisée).
Notons qu’une réponse conforme aux attentes ne valide pas pour autant une théorie, car rien n’interdit qu’ une expérience ultérieure l’invalidera, mais une réponse non conforme l’élimine. Ceci créé une « dissymétrie » flagrante dans le mécanisme d’acquisition de la connaissance : on ne confirme pas, on élimine.
L’élimination est réputée définitive, la qualification n’est qu’un sursis. Ce qui fait que la connaissance s’acquiert plus par une série d’erreurs (éliminations) que de succès.
Notons que, si on a de la chance, on peut aussi obtenir une réponse qui correspond à une autre question que celle posée et qui peut présenter de l’intérêt (sérendipité).
Ce procédé présuppose que notre entendement est capable de concevoir la nature, mais que simplement, on n’a pas encore la connaissance précise du phénomène particulier qu’on étudie.
L’humain est maître du jeu dans ce processus, la science consistant simplement à explorer et découvrir, au fur et à mesure, les différents aspects de la nature, comme on a découvert des terres inconnues au cours de l’histoire.
Pour les nouvelles théories du 20ième siècle, comme la relativité fait table rase des concepts de temps et d’espace et comme la mécanique quantique détruit le déterminisme, ceci présente à notre esprit la science, acquise jusqu’à là, comme un champ de ruines (à ce stade, on se demande ce qui reste !).
Autrement dit, comme nous appréhendions les théories via ces concepts mis en pièces, concepts qui sont eux-mêmes les conditions essentielles de notre de notre existence même et surtout de notre entendement, tout semble à refaire.
Dans ces conditions, difficile de continuer à soumettre à la nature des hypothèses préconçues par notre esprit, qui seraient en total décalage avec les lois de la nature ;
Renversement de situation, c’est la nature qui est maintenant maitre du jeu et c’est à l’humain d’adapter son entendement pour élaborer des théories qui décrivent ces phénomènes dont certains aspects nous sont toujours inconcevables (espace-temps permettant des paradoxes temporels par exemple, indétermination, contra-factualité, paradoxe EPR, etc.).
Ces points ayant été discutés dans d’autres pages du site nous en resterons là pour cet aspect.
Le point de vue matérialiste
Ces considérations générales étant rappelées, une autre énigme plus moderne est que les humains, considérés, d’un point de vue matérialiste comme un assemblage structuré d’atomes conformément à la structure permise de cet assemblage par les lois de la mécanique quantique, puissent développer une faculté d’analyse et de connaissance de ces lois.
C’est un méta-phénomène, incluant de plus une conscience, dont l’émergence fait toujours débat.
Ces points ont également été débattus dans les pages du site et dans le livre, et il ressort bien que les théories modernes (relativité et mécanique quantique) comportent des aspects que nous ne pouvons concevoir comme, par exemple, l’espace-temps destructeur de l’espace et du temps en relativité, l’indétermination quantique, la contra-factualité (possibilité de connaître la présence d’un détecteur dans une expérience quantique, sans qu’il soit activé) et le fameux paradoxe EPR, entre autres.
C’est maintenant la nature qui dicte sa loi
Par des formalismes développés pour cela, construits par un « morphisme » structurel et formel avec les lois étranges qu’on observe, les mathématiques nous permettent de les représenter plutôt correctement !
La nature nous a dicté sa loi et nous a conduit à une approche de type empirique. Le point positif c’est la puissance heuristique du procédé.
Le paradoxe des mathématiques et l’espoir qu’il suscite.
Nous avons décrit le désarroi de notre esprit face à la science moderne dont les concepts nous échappent, mais ce qui semble paradoxal, c’est que le formalisme des mathématiques, une activité humaine par excellence, un produit de notre esprit, est capable de modéliser « correctement », ou au moins efficacement, ces concepts qu’en tant d’êtres conditionnés dans l’espace et le temps, nous ne pouvons pas concevoir. C’est là une source d’espoir de progrès manifeste et une voie à continuer d’explorer pour surpasser les restrictions et contraintes de notre entendement.
L’allégorie de la caverne revisitée : Sommes-nous aussi des ombres ?
Dans cette allégorie, largement décrite dans d’autres pages de ce site, Platon considère que nous ne voyons que des ombres du monde des idées, qu’il considère comme le monde parfait qu’on pourrait rattacher à a « réalité ».
Si, à l’instar de Minkowski (1907) nous considérons que l’espace et le temps ne sont que des ombres de l’espace-temps, seule entité dotée d’une nature physique, alors il faut en conclure que, nous-mêmes, nous sommes des ombres de cette réalité. En effet, nous nous percevons comme des êtres constitués d’espace 3D, dans l’espace 3D, dont la substance de la vie est le temps. On conçoit alors notre difficulté (impossibilité ?) à concevoir le monde physique.
Est-il possible que notre perception soit fausse et que nous soyons, en réalité, des êtres d’espace-temps dans l’espace-temps, ce dont nous n’aurions pas conscience du fait du caractère ténu, à notre échelle, des phénomènes spécifiques d’un espace-temps ? Ce serait une bonne nouvelle car elle nous ouvrirait structurellement la porte à une connaissance plus profonde de notre univers.
C’est l’inconcevable qui est la porte du salut !
Ceci, amène à considérer que ce qui est le plus important c’est ce que nous ne comprenons pas (actuellement), car c’est là qu’il y a une possibilité de dépasser nos schémas de pensée habituels. Ceci a été partiellement fait, comme il vient d’être indiqué, mais est loin d’être abouti.