Existence de l’univers et de l’humain: Tautologie, cohérence et finalité ?17/03/24

Introduction

Cette page qui complète Existence : Tautologie vs transcendance: Quelles limites pour l’esprit ? 22/12/23 reprend certains de ses éléments.

Existence de l’univers: une tautologie incontournable?

A la question de l’existence de l’univers, la réponse est simple puisque, en tant que partie de cet univers, s’il n’existait pas, nous ne serions pas là pour la poser.

La question de l’existence, pour nous (de notre point de vue) de l’univers, présuppose notre existence, qui en tant que partie de l’univers, implique son existence.

Nous verrons au paragraphe suivant que l’existentialisme généralise cette notion d’existence.

Bien entendu, si nous n’existions pas, nous ne pourrions constater ni notre inexistence ni celle de l’univers.

La réponse est donc une tautologie. Mais n’est-ce pas la seule réponse cohérente qu’on puisse donner à ce type de question, du moins avec notre mode pensée usuel?

Ce document ne donnera donc pas une réponse à cette question, mais exposera l’état des réflexions avec ses limites et proposera une méthode. D’emblée, on peut déjà remarquer qu’expliquer et justifier sa propre existence est généralement considéré comme un problème plus philosophique de scientifique. Mais la démarche scientifique nous a amené à reconsidérer drastiquement notre mode de pensée, processus qui n’est pas achevé, aussi les limites actuelles, comme les théories, sont loin d’être atteintes.

En faisant un parallèle avec le problème des « preuves » de l’existence de Dieu que les croyants ont longtemps cherchées, il est apparu aux théologiens que cette recherche était vaine, car si l’humain pouvait, par sa raison, trouver une preuve il se hisserait au niveau du divin, ce qui revient à dire que nous serions l’égal de Dieu, ce qui est une proposition inacceptable pour un croyant. On voit que la condition d’un croyant est de croire sans condition d’être convaincu.

Sommes- nous strictement dans la même situation? Si c’est le cas notre quête sera toujours vaine. Sinon, ce dont nous ne sommes pas certains, au cas où, dans le document, nous donnons quelques pistes qui passent, sans doute, par une rupture conceptuelle encore plus majeure que celles que nous avons déjà connues dans l’histoire, aussi soyons optimistes et continuons à chercher.

Essentialisme et existentialisme

Essentialisme

Cette question de l’existence, en particulier de notre existence au sein d’autres existences, a, de tout temps, été un sujet de prédilection des philosophes.

L’interprétation platonicienne stipulant un monde des idées et sa réalisation phénoménologique dans notre monde sensible (le monde physique dans lequel nous vivons) justifie l’existence comme une réalisation imparfaite dans le monde physique, des entités parfaites du monde des idées.

Ce monde des idées (essence), qui ne nous est pas accessible, présente donc un caractère « divin » dans cette approche.

Existentialisme

Existentialisme comme un constat de notre existence (existentialisme « opérationnel »)

L’existentialisme, rompt avec ce caractère de préséance de l’essence sur l’existence pour affirmer au contraire que c’est l’existence qui prime. L’existence ne peut pas se déduire, elle se constate et ceci vaut pour toute existence, pas seulement pour la nôtre.

En effet, même si nous pensons que la probabilité de l’apparition de la vie dans l’univers est très faible, à un endroit où elle est apparue et a donné naissance à des êtres évolués, ceux-ci ne doivent pas s’étonner qu’ils existent et précisément là où ils sont et que l’univers possède les propriétés nécessaires à leur existence (argument anthropique faible)!

C’est le constat que nous avons utilisé, et il est indiscutable.

Soulignons que, par définition, l’existence nécessite une « conscience » (nécessairement un être pensant: je pense donc je suis!) pour la constater: on constate l’existence.!

L’existentialisme implique donc une « conscience » dans l’univers pour qu’il existe et en conséquence et, dans l’approche matérialiste, qu’il y ait une nécessité pour l’univers de produire une conscience pour « exister » (argument anthropique fort: l’univers a une finalité). Sinon, au mieux, il ne pourrait « qu’ être ».

Dans cette approche matérialiste, l’univers est le « tout », la conscience qu’on en a est interne (fait partie de l’univers), ce n’est pas une conscience extérieure à l’univers . .

Autrement dit, ce qu’on pourrait imaginer comme un univers (dans l’optique essentialiste) sans conscience interne à cet univers pour constater son existence, n’existe pas dans existentialisme.

Notons, que dans cette approche qu’on pourrait qualifier d’existentialisme « opérationnel », l’essence des choses n’est pas explicitement niée, elle est simplement ignorée, car n’étant pas accessible à notre connaissance, elle est jugée inutile.

Si l’approche existentialiste peut laisser l’esprit insatisfait, car il peut apparaître comme un renoncement (on ne sait pas répondre à question de la source de notre existence, on l’élude et on s’en tient au constat), son fondement est bien étayé.

Cette insatisfaction putative ne se fonde-t-elle pas sur une conception implicite d’un monde platonicien? : L’existence de toute chose doit être justifiée! La question qui se pose alors est : cette justification est-elle vraiment nécessaire ?

Après tout, ce monde des idées parait bien fictif, alors ce n’est pas se limiter que de constater prioritairement l’existence, car c’est ainsi que la réalité s’expose!

C’est le point de vue de l’existentialisme opérationnel que nous avons précédemment exposé, que, de façon lapidaire, on peut résumer par: « constatez l’existence, pour sa source ou sa cause, circulez, il n’y a rien à voir! ». Cette attitude qui peut paraître être une pirouette pour échapper à un problème (une échappatoire) est, malgré tout, supporté par quelques arguments.

Par exemple la notion de préséance (l’existence d’un prédécesseur) implicitement invoque le temps (une chronologie, l’un est avant l’autre), ce qui pour l’univers pose problème puisque que l’univers est un espace-temps qui ne nécessite pas de prédécesseur.

En effet, un espace-temps c’est quelque chose qui est plus que le temps et l’espace qui n’en sont que des ombres. Ce critère de chronologie n’est donc pas un attribut externe à l’univers mais au mieux un paramètre interne, qui existe car élément de quelque chose qui existe déjà.

Tout cela montre qu’il ne faudrait pas se laisser aberrer par des non-dits implicites à nos habitudes de pensée, au risque de s’égarer dans sur une fausse piste.

Existentialisme « transcendant »: L’existentialisme transcendant ouvre une voie vers une proposition cohérente de l’existence de l’existence

En effet, si notre esprit, très imprégné par le platonisme, suppose une cause extérieure à notre existence, divine par exemple, ce qui a été dit au sujet de la nature de l’univers,telle que présentée par la relativité générale, un espace-temps n’est pas dans le temps et l’espace, il existe. Il n’a pas été créé quelque part, à un instant particulier (cf J. Peebles ).

Donc cette notion de « création » dans le temps est l’espace, prégnante à notre esprit, ne peut être relative qu’à des entités internes à notre univers (dans l’espace-temps où des coordonnées spatiales et temporelles peuvent localement être définies pour le définir).

Notre erreur de pensée est alors d’attribuer à l’univers (l’espace-temps) les même contraintes que celles qui régissent nos phénomènes à l’intérieur de l’univers (à l’intérieur de lui-même). Nous ne sommes pas fondés à faire cela!!!

Il faut donc adopter un autre paradigme: L’existence d’une entité ne nécessite pas sa création au sens commun du terme: émerger du néant en un lieu à un temps donnés, ce qui suppose l’existence préalable d’une structure de temps et d’espace. Ces structures spatio-temporelles, que notre esprit considère comme des données immédiates de sa conscience, à caractère universel, n’existent qu’à l’intérieur de l’univers. Elle ne s’appliquent pas à l’univers, elles en sont la trame.

Le caractère transcendantal de ce paradigme

On peut s’étonner que notre esprit, élément interne à cet univers puisse élaborer des concepts qui lui sont externes. Notre esprit n’est pas une structure « fixe » mais très flexible, c’est d’ailleurs sa principale qualité et elle n’est pas des moindres !

Ce caractère transcendantal de la connaissance est illustré par Bachelard à propos du passage de la mécanique newtonienne à la relativité. Il souligne que rien, dans la mécanique newtonienne, ne préfigurait la relativité.

En effet, si comme Bachelard le souligne la connaissance est de nature inductive, la loi est induite de l’exemple, le passage de la mécanique newtonienne à la mécanique relativiste ne résulte pas d’une induction de type amplificatrice (qui étend le champ des connaissances sur des paradigmes existants) mais d’une induction transcendantale par une rupture épistémologique vers un autre paradigme. Cela implique que la compatibilité entre ces théories en champ faible ne se fait pas naturellement, mais au prix de mutilations de la relativité; on fait des assimilations »contre nature » entre des potentiels scalaires et des courbures qui ne sont pas de même nature.

Ceci illustre la puissance de notre esprit et sa capacité de briser des barrières conceptuelles.

Compléments sur l’existence de l’univers

On pourrait objecter que par rapport au modèle standard où c’est l’univers qui a été créé et qui évolue on n’a fait que remplacer ce problème par un autre, l’existence de l’univers, de même nature.

A cette objection, nous avons répondu que l’espace-temps déduit de l’équation d’Einstein décrivant l’univers a intrinsèquement toutes les propriétés géométriques requises pour expliquer la phénoménologie qu’on décrit et qu’on observe.

Par intrinsèquement, on entend que toutes ces propriétés sont « internes », aucun élément extérieur n’est requis pour la géométrie de l’espace-temps : elle est auto-suffisante ! Le seul caractère que nous avons ajouté est son couplage avec l’observateur humain, lui-même interne à l’univers, qui fournit un critère d’orientation sur les géodésiques, ce que la géométrie de l’espace-temps ne fournit pas.

Donc, considérer que l’univers ait été créé soit ex nihilo soit émergeant d’autre chose préexistant, auquel cas on ne fait que reporter le problème, est une hypothèse, faisant référence à des éléments qui lui sont extérieurs, donc inutile.

Éléments fondamentaux qui ont permis et déterminé l’existant

L’univers que nous observons se présente à nous dans une grande diversité.

Diversité de taille, l’univers avec ses très grandes structures comme les amas de galaxies, des galaxies et même les étoiles et les planètes jusqu’aux microscopiques atomes, en passant par l’échelle humaine.

Diversité d’énergie, les quasars, les trous noirs, les supernovas, les étoiles jusqu’aux atomes en passant par les réactions chimiques qui régissent la vie, telle qu’on la connaît.

Diversité de complexité des trous noirs décrit par quelques paramètres jusqu‘au vivant où la complexité ne peut être qu’évaluée, tant elle est gigantesque.

 Sa description exhaustive, qui serait nécessaire pour que l’équation d’Einstein donne une solution rigoureuse est opérationnellement inaccessible. Des simplifications drastiques ont été nécessaires, justifiées par des hypothèses (homogénéité, isotropie) pour obtenir des solutions approchées, considérées toutefois comme significatives, au moins au premier ordre, même si on sait qu’elles ne sont pas rigoureuses.

Bien que nous ne sachions pas tout, la science nous aura tout de même enseigné, et ce n’est pas négligeable, que c’est un nombre très limité d’éléments qui permettent de générer toute cette diversité.

La matière (et l’antimatière)

En effet la matière est composée d’un nombre très petit de particules élémentaires, répartie en 3 familles dont la plus courante dans notre environnement est constituée de 2 quarks (u, d), 1 électron, 1 neutrino. Il faut aussi considérer leur antiparticules (antimatière) mais qui sont quasi absentes dans notre environnement dominé par la matière. Ceci est un état des lieux, mais ne constituerait qu’un décor (il ne se passerait rien) sans les interactions.

Les quatre interactions

Ce sont les interactions entre ces particules qui vont générer la « dynamique » des systèmes. Elles sont au nombre de quatre.

Interaction gravitationnelle :  de portée infinie qui régit les grandes structures.

Interaction électromagnétique :  de portée infinie qui joue un rôle important dans l’environnement à notre échelle, car responsable de la structure complexe des couches électroniques des atomes qui permet une combinatoire importante générant une chimie des molécules qu’on trouve, entre autres, dans le vivant. A grande échelle, l’univers étant globalement neutre, elle est souvent dominé par la gravitation.

Interaction forte : portée très courte. Active au niveau du noyau atomique et des hadrons. Elle lie les quarks pour en faire de particules. Par exemple, le proton est constitué de 2 quarks u et d’un quark d et le neutron est constitué de 2 quarks d et d’un quark u

Interaction faible : portée très courte. Elle permet aux quarks de changer de « saveur », ainsi un quark d peut devenir un quark u et réciproquement, ce qui fait qu’un neutron peut devenir un proton et vice-versa. Cette propriété permet à un élément chimique de changer de nature car c’est le nombre de protons du noyau qui détermine l’élément chimique.

En théorie des champs quantiques on associe des particules appelés bosons à ces interactions (sauf la gravitation où c’est hypothétique en l’absence d’une théorie quantifiée)

Notons que pour expliquer la masse des particules massives il a fallu rajouter le boson de Higgs, dont la confirmation expérimentale est récente.

Ces quelques éléments, à eux seuls permettent, par les combinaisons possibles, de générer toute la diversité de l’univers. Ces éléments en offrent la possibilité, mais la réalisation de cette diversité se fait par des processus de type darwinien où les erreurs et la contrainte du milieu et du contexte jouent un rôle important.

Soulignons que dans la description que nous avons faite de la diversité de l’univers, en aucun cas, la présence d’une conscience intelligente ne semble requise. La vie, qui semble résulter d’un (heureux ?) concours de circonstances, n’y joue aucun rôle.

Ce constat n’étant pas de nature à satisfaire notre esprit, certains arguments ont été proposés.

Le « principe » anthropique

Ce principe, qu’il serait peut-être plus cohérent d’appeler « argument » anthropique se décline en général en deux versions :

Le principe anthropique faible

Il fait le constat que puisque nous sommes là, il ne faut pas s’étonner que dans une description raisonnable de la cosmologie, les paramètres de l’univers sont compatibles avec notre existence. Cet argument n’est pas réfutable et à ce titre n’a aucune valeur puisque, comme les autres hypothèses, il n’apporte aucune information sur le problème de notre existence.

Ses tenants l’utilisent souvent pour étudier la sensibilité à une variation des paramètres fondamentaux, par exemple certaines constantes fondamentales de la physique, comme la vitesse de la lumière c, la constante de Planck [1] réduite h = h/2π, la constante de gravitation G, et d’autres comme les paramètres de densité de la matière-énergie. S’agissant des constantes, hormis les constantes non dimensionnées (on cite souvent la constante de structure fine comme exemple), comme elles dépendent du choix des unités, ce n’est pas leur valeur dimensionnée qui est intéressante [2] mais leurs relations à travers les phénomènes et lois physiques. L’exercice n’est pas dénué d’intérêt, mais malgré les conclusions qu’on peut en tirer sur la criticité de tel ou tel paramètre, il n’apporte, pas plus que les autres, d’éclaircissement sur notre existence.

Le principe anthropique fort : La frustration d’une absence de finalité transcendante ?

Fondement

Dans ce principe anthropique fort, on sous-entend en plus une finalité : L’univers doit produire des êtres comme nous.  C’est un principe philosophique pas très éloigné, dans sa forme, de considérations de type religieux, mais il ne se réfère à aucun texte sacré issu de révélations.

Même s’il tente de se justifier sur certains arguments scientifiques, son fondement profond est une frustration fondée sur le refus d’une absence de sens transcendant à notre existence. La description cosmologique que nous avons faite a montré, que si elle a permis l’émergence d’êtres comme nous, ils n’ont joué aucun rôle actif dans l’histoire. Ceci montre que cette émergence est accessoire. A tort ou à raison, ce constat anxiogène est insupportable pour beaucoup d’esprits humains. Sans doute avons -nous une trop haute idée de nous-mêmes pour ne pas admettre que nous n’étions pas désirés !

Au niveau scientifique, ce principe anthropique fort se nourrit du constat de l’extrême complexité de la vie, son apparition et sa spécialisation pour aboutir, en un temps pas si long que cela (inférieur à l’âge de la Terre soit quelques milliards d’années), aux êtres très complexes que sont les animaux dont nous faisons partie[3]. Donc, selon les tenants de ce principe, le hasard seul et le mécanisme darwinien seraient insuffisants à expliquer notre existence[4].

Quelle finalité pour l’humain

Il reste à expliciter la nature de la finalité qui est invoquée par les tenants de ce principe.

Pour les croyants, l’obéissance aux textes sacrés et la promesse d’une vie éternelle donnent une ligne de conduite et un sens à leur vie qui va bien au-delà d’elle. Le fait qu’il existe plusieurs religions n’est pas un obstacle car le croyant est convaincu que seule sa croyance révèle la vérité. Le succès des religions vient qu’elles donnent des réponses à ces questions existentielles.[5] Que cela soit perçu ou non, leur caractère anthropomorphique comporte une apparence d’évidence agréable notre esprit.

Mais pour des non croyants, sans textes définissant cela et sans vie éternelle, quel sens donner à leur vie qui, dans le récit que nous avons fait, est accessoire au niveau de l’univers.

Alors, à défaut d’hériter d’une finalité et d’un sens à notre vie, nous n’avons d’autre choix que de le rechercher dans notre condition.[6]

La vie a-t-elle une valeur objective pour l’individu ?

Une première piste consiste à rechercher « égoïstement » cette finalité dans notre vie elle-même telle que nous la vivons en tant que terriens. A titre individuel, nous procure-t-elle des éléments qui justifieraient, à eux seuls, une nécessité, ou à défaut une utilité, d’existence?

En effet, si nous ne sommes pas impliqués dans l’origine de la vie (sur Terre) nous avons le pouvoir de la perpétuer ou non, voire même de l’annihiler pour ce qui nous concerne en tant qu’humains. Ceci est un pouvoir notable.

Remarquons que certains prétendent que nous ne serions que les « esclaves » de notre ADN et que nous ne servirions que « réceptacles » à sa réplication et amélioration. Laissons cette hypothèse, peu glorieuse pour nous, de côté pour l’instant.

Commençons par nous interroger par ces caractères à l’échelle de l’individu.

Chacun a son histoire et peut évaluer subjectivement, à une étape de sa vie, si sa vie valait d’être vécue. De nos jours, dans un contexte mondial anxiogène, bien des couples, dans les sociétés économiquement développés, hésitent à faire des enfants considérant que ce ne serait pas leur faire un cadeau que de les mettre au monde dans monde aussi dangereux.

Pire encore, d’autres, mettant fin à leur vie intentionnellement, la considèrent non seulement inutile mais insupportable puisqu’ils y préfère le néant. Si l’émotion et la subjectivité jouent souvent un rôle majeur dans ces cas, l’ampleur du phénomène interpelle sur la valeur objective de la vie.

A contrario, d’autres humains considèrent, eux, que, même avec toutes les vicissitudes subies et traversées cela valait la peine de vivre: si c’était à refaire je signerai pour cela!

Ces points de vue subjectifs opposés sont de nature à faire douter que l’existence de la vie serait objectivement justifiée par un avantage indéniable qui serait accordé, même si c’est pendant une courte temporalité, aux humains.

Ce constat n’a donc pas de valeur universelle, puisque soumis à l’appréciation de chacun.

Soulignons que dans les mêmes circonstances mondiales anxiogènes, l’avis d’un habitant d’un pays économiquement développé (réputé plus favorisé) peut être plus pessimiste que celui d’un pays d’une grande pauvreté qui, pour survivre, a moins de temps à consacrer à ses états d’âme et est plus mû par l’instinct de conservation propre à l’espèce.

De plus, « l’optimisme », l’espoir d’un monde meilleur pour l’individu, résulte plus d’une dynamique ( la situation s’améliore) que de l’état de confort et richesse d’une situation. Quoi qu’il en soit, ce jugement concerne la vie, objet de notre existence.

A la question, la valeur intrinsèque pour l’individu de sa vie justifie-t’elle qu’elle existe, il n’y a donc pas de réponse objective absolue.

Soulignons que par nature, pour promouvoir la vie, nous sommes pourvu d’un instinct de conservation capable, entre autres, d’inhiber nos pulsions morbides dans bien des cas, ce qui œuvre grandement à la préserver et qu’en cas de grand danger, si on survit, on est souvent amené à réévaluer l’intérêt de la vie. C’est souvent quand on a perdu, ou failli perdre quelque qu’on prend conscience de sa valeur!

Individu et société

Si la différence physiologique entre l’humain et les animaux évolués n’est pas très grande, un singe diffère peu d’un humain au niveau physiologique, par contre au niveau des sociétés qu’ils construisent elle est gigantesque. Il est intéressant de noter comment une différenciation infime il y a quelques millions d’années a pu produire une telle différence.

Sur un aspect « sociétal », il est indéniable que la vie, sous sa forme terrestre la plus évoluée, a produit des résultats sociétaux, avec les développements techniques associés , prodigieux, au point de bousculer l’équilibre écologique et mettre cette société en danger.

La vie, en elle-même, comme N. Wiener l’avait souligné, est fondamentalement un processus particulier qui, localement, a contrario de la nature inerte, utilise son environnement pour faire baisser sa propre entropie au détriment de celle de cet environnement dont l’entropie va augmenter, d’au moins autant, puisque l’entropie d’un système isolé (ici, vie + environnement) ne peut pas décroître, (loi de la thermodynamique).

Bien entendu ceci a des limites, puisque cela se traduit par une dégradation de l’environnement qui, bien qu’immense par rapport à nous, n’est pas infini.

Rappelons que c’est la théorie de l’information qui permet de quantifier précisément les paramètres de l’entropie.

Comme l’entropie mesure le degré de désorganisation d’un système, la vie suit un processus inverse qui tend à améliorer son organisation, et ceci même au niveau des êtres vivants les plus simples.

Mais là, l’humanité a été performante, c’est qu’elle a su démultiplier considérablement, progressivement, au niveau d’une société, ce paramètre individuel, qui lui même a été à la source de cette socialisation pour répondre à ses besoins d’organisation, avec comme finalité une supposée vie meilleure.

On peut discuter de la valeur philosophique réelle de cela, mais cela a produit des résultats dont les individus ont pu bénéficier, indiscutablement globalement , mais à des niveaux très divers (inégalités) individuellement.

Quid de la possibilité de vie extra-terrestre?

Nous avons discuté des paramètres de la vie, d’abord au niveau individuel puis nous l’avons étendu au niveau des sociétés mais en restant au niveau terrestre.

Depuis la nuit des temps, les humains se sont demandé s’ils étaient seuls dans l’univers. Le développement technique que nous avons mentionné permet, entre autres, de mieux connaître l’univers dont nous faisons partie.

Depuis quelques décennies, cette quête prend corps puisqu’on constate que les centaines de milliards d’étoiles que nous observons, dans les galaxies qui sont elles aussi en très grand nombre, comportent en général un cortège de planètes.

Cela représente donc un nombre prodigieux de planètes, certes diverses et variées, et il vient à l’esprit que, parmi elles, statistiquement un grand nombre pourrait ressembler à la Terre et être dans un environnement similaire, auquel cas la vie, telle que nous la connaissons pourrait y exister.

Ceci est conforté par un principe de type copernicien, qui nous incite à penser que ce serait surprenant que la vie n’existe que pour nous. Pourquoi serions nous privilégiés alors que nous avons déjà admis (dans la douleur) que nous n’étions pas le centre de l’univers!

Les progrès scientifiques, nous incitent à être plus restrictifs que les simples conditions environnementales, car il faut aussi tenir compte de l’histoire, par exemple celle du système solaire pour nous, mais malgré ces restrictions, compte-tenu du nombre gigantesque d’occurrences, cela laisse encore beaucoup de possibilités.

Une question, alors, souvent posée est: s’il y a des extraterrestres, compte tenu de l’âge de l’univers, pourquoi n’en n’avons pas rencontré et pourquoi n’y a-t-il aucune trace de leur visite?

C’est le paradoxe de Fermi, qui prend en compte un certain nombre de paramètres, notamment la distance entre les mondes (l’étoile la plus proche est à 4 années-lumière et avec les fusées actuelles cela prendrait au moins 40 000 ans pour y aller) et par ailleurs la durée de vie d’une civilisation (qu’en sera-t-il de notre civilisation sur Terre dans 40 000 ans?) . Bien d’autres paramètres, difficiles à estimer, sont à prendre également en compte dans l’équation de Drake, censée donner une probabilité d’existence d’extra-terrestres. Restera alors à définir les probabilités de rencontres.

Quelles autres formes de vie possibles?

Par ailleurs, nous ne considérons que la vie sous la forme que nous connaissons, et à ce titre il est possible qu’il y ait d’autres possibilités que nous ignorions.

En particulier, en suivant l’argument de N. Wiener, (système dont l’entropie décroît), on pourrait considérer que tout phénomène qui fait décroître son entropie, au dépend de son environnement, peut être considéré, par extension, comme une forme de vie, même si certains paramètres peuvent différer.

Cela ouvre un large champ d’investigation car ce phénomène peut se produire à une échelle astrophysique voire cosmologique.

Ainsi considéré la « vie » peut jouer un rôle et a peut être jouer un rôle dans l’évolution ou du moins la structure du cosmos.

En effet si on considère l’univers primordial, presque homogène, juste faiblement perturbé par les fluctuations quantiques, donc d’entropie forte, les lois de la physique (interactions, inflation, ..) vont dissocier ce système de forte entropie en des sous-systèmes différenciés, conférant à une partie du système complet une entropie inférieure

A ce titre la gravitation, qui a tendance à contracter des nuages de gaz en légère surdensité, donc amplifier un déséquilibre pourrait s’apparenter, dans sa phénoménologie à un processus de vie, dont les lois de la physique seraient l’ADN gouvernant son évolution.

Cependant, sachant que l’entropie totale ne peut pas décroître, pour cela il faut que l’entropie d’autres sous systèmes de l’univers puisse croître.

La formation de trous noirs (de très forte entropie) pourraient produire une solution à l’augmentation de l’entropie pour la partie où elle doit augmenter. Peut-être une explication à la présence de trous noirs géants au cœur des galaxies?

Considérer le phénomène de la vie « intelligente » sous le seul angle de l’entropie est certainement réducteur, mais cela montre qu’elle s’inscrit dans un cadre plus général, cosmologique qui en permettent certains attributs.

On en connaît le résultat fécond, c’est notre univers avec ses grandes et petites structures, dont nous!

Bien entendu on peut objecter que cela se passe à des échelles très différentes de celle que nous constatons pour notre vie, mais cet exemple qui peut se retrouver à d’autres échelles est, comme la vie que nous possédons, un fécond créateur de diversité, source de valeur car d’entropie plus faible que la moyenne.

En effet le pire, c’est l’uniformité absolue d’un univers à entropie maximale où plus rien ne peut se passer, le froid glacial des espaces infinis, la mort cérébrale de l’univers!

L’existence de vie extra-terrestre bouleverse l’approche philosophique de notre existence

Sans entrer plus dans les détails, l’existence de vie extra-terrestre bouleverse l’approche philosophique du problème, nous ne sommes plus la seule représentation de la vie évoluée, mais une de ses »variantes », isolée dans un vaste univers.

Comme il est à craindre que cela nous dépasse, trop éléments pouvant être inconnus de nous, nous ne traiterons pas ce problème bien trop mal défini ici et c’est dommage car cette part d’inconnu peut receler des informations que nous n’imaginons même pas qui serait de nature à nous éclairer sur notre existence. Faute du moindre indice nous ne pouvons, actuellement, rien en dire .

On ne peut qu’espérer que cette situation évoluera dans un futur pas trop lointain.

La vie a-t-elle une quelconque valeur objective pour l’humanité?

Revenons donc dans notre cercle restreint et ne considérons que notre modeste condition.

Si la première motivation à considérer a été individuelle, la finalité aura avantage à être considérée relativement à l’humanité[7] qui, solidairement, pérennise la brièveté de la vie des individus en les intégrant, à une échelle plus longue et plus pérenne, à son histoire. Cela élargit et enrichit le concept en le généralisant.

C’est le domaine de prédilection des philosophes, entre autres, qui depuis l’aube des temps, s’y sont attachés, d’abord en cherchant la solution à l’intérieur de nous-mêmes[8],  puis en l’étendant au niveau de l’humanité.

Comme pour l’individu, il n’y aura pas de réponse unique, car la philosophie, qui n’est pas une science, est également soumise à la subjectivité humaine, même si dans ce cadre plus général et formel elle est moins sujette à l’émotion. L’humain, qu’il souhaite s’en inspirer ou non, aura le choix. Tout choix est réducteur. Mais nous savons que la vérité est inaccessible par la raison et que la seule réponse constructive qu’on peut donner possédera nécessairement la fragilité de l’humain.[9]

Cosmologie et présence d’êtres pensants

Rappel

Rappelons que la description cosmologique que nous avons faite ne traite que partiellement l’apparition de l’humanité.  Elle ne traite que des conditions cosmologiques et astrophysiques nécessaires pour que la vie telle que nous la connaissons soit possible. Mais entre la « possibilité » et la « réalisation » il faut un processus qui fasse le lien. La théorie de l’évolution, où les erreurs, le hasard, l’environnement et les grands nombres jouent un rôle moteur, propose un modèle qui, décrivant l’évolution, depuis des êtres vivants les plus primitifs jusqu’à nous, révèle une partie de ce lien (on part du vivant). Comme, il suffit d’une occurrence favorable pour que, précisément, le résultat de cette occurrence se pose la question, c’est une piste possible.

L’univers: Une puissance destructrice inouïe qui n’a d’égale que sa puissance créatrice?

L’univers dont nous tenons la vie peut la reprendre aussi vite qu’il l’a donné. En effet, les phénomènes cosmiques sont d’une violence extrême. L’explosion, cataclysmique au niveau de l’univers[10], de la supernova qui a permis la formation du Soleil a éradiqué tout ce qui était autour d’elle dans un rayon de centaines de milliards de kilomètres. Elle aurait pulvérisé le système solaire tout entier s’il avait existé, et probablement semé la mort bien au-delà.  Mais c’est ce cataclysme destructeur qui a permis, entre autres, la création du système solaire dans lequel a pu émerger une vie organisée. C’est un processus de vie et de mort, de destruction et création, assez général, qu’on retrouve également à des échelles bien plus modestes dans d’autres processus. Cette possibilité de vie nous est octroyée par l’univers que pour un temps, qui bien que très long à notre échelle [11], est limité car nous savons que le Soleil dans son évolution finale, bien avant d’anéantir la Terre, la rendra inhabitable dès ses premiers spasmes. D’ici là il peut se passer beaucoup de choses !

Fragilité ou résilience de la vie?

A côté de ce déluge cosmique d’énergie, nos tremblements de Terre, tsunamis, cyclones, éruptions volcaniques, chutes d’astéroïdes et autres cataclysmes terrestres, font figure d’imperceptibles bruissements à l’échelle de l’univers. Notre impuissance vis-à-vis de ces évènements, où seule une information incitant à fuir les régions menacées peut limiter les dégâts humains, ce qui est déjà un progrès, atteste de notre infime capacité d’action, même face au moindre des bruissements cosmiques.

Le danger immédiat vient de l’intérieur

Le danger le plus immédiat résulte de notre propre comportement[12], le sursis que nous propose l’univers paraissant assez généreux. La vie a montré une grande résilience vis-à-vis de cataclysmes majeurs subis par la Terre, mais cela a entrainé des mutations drastiques. Sans que cela nous mette à l’abri de catastrophes astrophysiques et terrestres, il convient de gérer ce qui dépend de nous avant que la situation devienne hors de contrôle. Certes, comme les sociétés humaines actuelles ont des capacités bien supérieures à celles des dinosaures pour survivre, même, à des situations plus critiques, ceci atteste que la vie est moins fragile qu’il y paraît. Mais face à de tels cataclysmes, le prix à payer, en survivants, conflits et modifications sociétales risque d’être très élevé.

Réflexions sur la nature de l’existence de l’univers

 Ce que dit la relativité générale

Les arguments complémentaires développés précédemment, s’ils ont pu nous éclairer sur les concepts à prendre en compte pour mieux appréhender la phénoménologie de l’univers, n’ont pas donné de réponse à la nature de son existence.

C’est la modélisation mathématique de la solution proposée par la relativité générale qui est un objet géométrique appelé variété qui comme déjà indiqué n’a besoin de rien d’autre que lui-même pour être totalement défini qui va permettre de briser le cercle. En effet comme déjà mentionné, l’objet géométrique qui modélise le tout qui peut être fini ou infini [13], n’a pas d’extérieur: Il n’est pas localisé dans le temps et l’espace qui nous sont familiers!

Si, dans cette variété qui décrit l’univers possible, il y a un point singulier appelé singularité,, par définition, il ne fait pas partie de la variété. C’est une structure appelée « ouverte ». On peut s’approcher aussi près qu’on veut de ce point mais on ne peut pas l’atteindre, il n’existe pas dans la variété.

Cette singularité, qui correspond à t = 0, est le Big Bang dans l’interprétation chronologique. Dans l’interprétation covariante, cette singularité existe, mais on l’interprète différemment. Physiquement, cela signifie que les équations de la physique ne sont plus valides en cette singularité.

Il est intéressant de noter que la théorie qui décrit convenablement la phénoménologie physique de l’univers, se déclare incompétente pour décrire les conditions initiales, à savoir le big bang, et pour cause car celui-ci n’existe pas (au sens commun qu’on lui prête)!

Dans un concept de big bang traditionnel, les tentatives pour décrire la physique à proximité de la singularité a fait l’objet de nombreux travaux.

Une tentative intéressante appelée BKL, initiales de ses concepteurs, [14] montre que dans un univers homogène l’univers devient de plus en plus chaotique lorsqu’on s’approche de la singularité, ce qui fait qu’on ne peut rien prédire sur l’état de l’univers sur la singularité.

Ces réponses, même si elles paraissent frustrantes, sont pertinentes. En effet, à la question des conditions initiales, la théorie de la relativité générale répond par une indétermination, en cohérence avec le caractère singulier du problème.

C’est peut-être la seule réponse cohérente qu’on puisse donner.

Pour modérer l’intérêt de cette réponse, il faut rappeler que les scientifiques considèrent que la théorie de la relativité, qui est une théorie classique ne prenant pas en compte les effets quantiques, [15] n’est pas une théorie efficace pour traiter ces problèmes où les conditions sont extrêmes.

Au-delà du modèle standard de la physique

Ils ont donc exploré d’autres pistes. Parmi les théories explorées depuis une cinquantaine d’années en vue de traiter ce problème, on trouve :

La gravitation quantique à boucles qui est dérivée de la relativité générale et qui, en introduisant une quantification de l’espace, prend en compte des aspects quantiques.

La théorie des cordes (supercordes aujourd’hui) qui est une théorie du « tout » ambitionnant de synthétiser relativité générale et mécanique quantique.

 Elle est dérivée de la physique des particules où les particules ne sont plus des points mais des objets unidimensionnels (cordes qui peuvent être fermées ou ouvertes) ou multidimensionnels (branes) dont les modes de vibrations caractérisent les différents types de particules. Cette formulation élégante de la physique, qui, entre autres, élimine les « vortex » liés au caractère « ponctuels » de la description des particules dans le modèle standard, semble se disperser dans les ramifications des différentes versions proposées.

Ces théories qui ont permis d’obtenir quelques résultats probants, comme le calcul de l’entropie d’une catégorie de trous noirs, ne sont pas achevées pour l’instant et il n’est pas certain qu’elles le soient un jour.

De toute façon, ils n’ont pas apporté d’éclaircissement sur les conditions initiales. De multiples hypothèses ont été faites, multivers par exemple, mais cela reste spéculatif et ne fait que repousser le problème.

Connaître l’origine et la nature de son existence, n’est-ce pas l’apanage du divin?

Quand on considère toutes les connaissances acquises, dans le domaine de l’astronomie depuis le modèle géocentrique qui faisait encore référence au 15ième siècle, dans le domaine de la cosmologie comme nous l’avons décrit et ceci à partir des années 1920-1930, dans le domaine de l’infiniment petit tout au cours du 20ième siècle, pour parler des sciences physiques, et aujourd’hui dans le domaine de l’intelligence artificielle dont l’utilisation via internet a déjà commencé à transformer la société avec ses menaces potentielles qu’elle fait peser sur l’humanité, on peut s’étonner que cela ne nous ait apporté aucune réponse sur notre existence. C’est comme si, pour cette question, ces connaissances ne servaient à rien !

Certes, la théorie de l’évolution de Darwin nous a éclairé sur notre émergence. Aujourd’hui, dans la chaine du vivant, les progrès de la médecine dans sa capacité à réparer l’humain, évolue, par l’ingénierie génétique, vers une possibilité maîtriser la modification de l’humain, alors que jusque-là c’était la nature qui, à son rythme, s’en chargeait.

Quel pourrait être l’humain de demain et quels sont les risques encourus. Certains voient dans cette possibilité un caractère divin et il y a peut-être là matière à reconsidérer totalement le problème.

En attendant d’être des dieux, ce que certains auteurs [16] se plaisent à imaginer, il reste douteux que ce soit une théorie physique qui réponde à la question de notre existence. C’est notre pensée qu’il faut sans doute adapter pour tenter de caractériser ce problème.

Conclusion: Les limites de la pensée actuelle

Si on considère qu’avant notre naissance nous n’existons pas et qu’à notre mort nous n’existons plus, si nous étions seul sur Terre ou au milieu de nulle part, aurions-nous conscience d’un avant et d’un après ?

Nous aurions probablement conscience d’un « étant » sans plus.

Soulignons la similitude structurelle avec la description de l’univers par une variété. Dans les deux cas la phénoménologie n’a pas d’extérieur. L’existence de l’esprit a des limites, la conception et la mort, mais n’existe pas en dehors de ces limites tout comme l’univers qui n’a pas d’extérieur (l’extérieur n’existe pas). Ce morphisme de phénoménologies qui émerge naturellement n’est sans doute pas fortuit. Pourrait-il être une piste dans l’analyse de notre existence ?

C’est parce que nous ne sommes pas seuls, que nous avons des références externes, que nous avons la connaissance d’un avant et d’un après à notre existence. Nous voyons les autres vivants naitre et mourir, les choses se dégrader, dans un contexte bien balisé par notre existence et des évènements extérieurs. Alors, pour être cohérent avec le contexte qui forge notre perception du monde, il faut sans doute poser ces problèmes dans le cadre d’une existence au sein d’une société. Un ermite se le poserait sans doute différemment.

Cette conscience d’exister ne doit pas nous masquer que nous ne sommes pas de purs esprits et que si la réalisation d’existence et de conscience d’exister est tangible, notre corps, qui supporte notre esprit, est fait d’atomes qui préexistaient à notre existence. C’est aux lois de la physique fondamentales, qui permettent la complexité du vivant, que notre corps doit son existence.

Une approche réductionniste de l’intelligence et de la conscience est-elle possible?

Dans une approche réductionniste pure, nous sommes amenés à supposer que les propriétés, qui permettent à un assemblage structuré d’atomes comme notre cerveau par exemple, d’analyser la nature et d’en établir les lois, sont inférées par l’existence de ces propriétés ou au minimum de la source de ces propriétés au niveau le plus élémentaire qui est concerné, c’est-à-dire l’atome[17].

Dans cette hypothèse, la structure d’assemblage des atomes, tous porteurs de cette propriété au niveau microscopique, serait par exemple inférée par cette propriété qui régirait les règles d’assemblage, ce qui conférerait à la structure macroscopique d’assemblage d’atomes l’intelligence et la conscience.

Si les atomes n’ont pas cette propriété, il faudra se demander comment elle est injectée.

Nos connaissances même limitées sur la mécanique quantique nous montrent qu’effectivement les atomes ne peuvent pas s’associer naturellement n’importe comment pour constituer des molécules.

Il y a un certain nombre de possibilités permises avec plus ou moins de probabilité a priori et ce qu’on observe c’est l’influence du milieu (l’écosystème) au sens de ce qui est « extérieur » à la nature de l’individu, même s’il est physiquement à l’intérieur comme des agresseurs viraux ou bactériologiques qui va sélectionner ce qui va se produire et parmi les différentes productions celles qui va être les plus viables dans le milieu considéré.

Ces considérations qui ne sont que des hypothèses, montrent que, si les propriétés de l’atome importent, elles ne sont pas les seules à être déterminantes et qu’il faut alors considérer la conscience et l’intelligence comme une propriété intégrant son interaction avec le milieu sociétal et l’écosystème. C’est peut-être dans cette direction qu’il faut chercher la source de l’émergence, qu’on attribue habituellement plutôt à une mystérieuse propriété « extérieure » (l’émergence) qui serait injectée par la complexité des assemblages.

La structure des réseaux neuronaux qu’on commence à mieux connaître, montre que ce sont des structures qui au départ, incorporent naturellement assez peu d’information (chez les humains, par hérédité ils incorporent les informations vitales au métabolisme) mais qui acquièrent leur information par leurs interactions avec milieu qui l’inclut, par l’expérience. C’est l’apprentissage. 

La structure élémentaire (le neurone) est structurellement assez simple et ce sont les interconnexions multiples développant une combinatoire gigantesque entre neurones, associées aux règles d’activation / inhibition, qui confèrent à ce système biologique sa redoutable efficacité, au point que sa modélisation informatique est actuellement le « Graal » des algorithmes les plus sophistiqués.

Quelques problèmes structurels importants

Soulignons aussi, que considérer le problème de notre existence dans ce contexte réductionniste revient à supposer que la combinaison, même élaborée, d’atomes constituant notre corps permettrait d’expliquer l’existence de ces atomes ! Cela nous semble structurellement impossible.

Une échappatoire serait que si cela semble impossible à notre cerveau, c’est du fait que dans son niveau d’apprentissage il n’a pas été confronté à cette situation. C’est comme cela qu’il fonctionne, c’est une auberge espagnole, on y trouve ce qu’on y a mis. Plus qu’intelligence il faut lui attribuer des « habitudes de pensée efficaces ».  

Nous aurons l’occasion d’indiquer combien les théories physiques modernes ont bouleversé ces habitudes de pensées pourtant jugées essentielles (temps, espace, déterminisme). En l’occurrence nous étions (et nous sommes toujours) face à des concepts incompréhensibles voire inconcevables (en l’état actuel de nos structures mentales) ce qui ne nous a pas empêché d’en construire une représentation (une théorie) efficace.

Cela aussi semblait, a priori, impossible.

Ainsi, lorsque Einstein, de guerre lasse, après de nombreuses tentatives infructueuses a considéré, parce qu’il ne l’avait pas encore essayé, une approche géométrique de la gravitation, ce qui, à défaut d’être accepté par la communauté scientifique à l’époque était souvent qualifié, avec un certain respect, d’hypothèse audacieuse, il ne réalisait pas vraiment à quelle rupture conceptuelle cela allait aboutir : c’est sans doute cela la marque du génie qui comporte une part d’irrationnel.

Encore une preuve que notre esprit, pourtant contraint par les concepts d’espace et de temps inhérents à sa nature, est capable de dépasser ces limites et de les mettre en cause.

Rappelons que la relativité générale permet des solutions où la causalité est violée et que d’autres conséquences sur l’orientation du temps sont théoriquement possibles, avec le concept d’énergie négative (l’énergie est la représentation physique du temps) même s’ il n’est pas certain que le monde physique, imparfait, les permettent.

  Alors ne jurons de rien, même s’il faut le reconnaître la tâche semble ardue.

Une hypothèse raisonnable est que ces théories, qu’actuellement nous ne comprenons pas, sont efficaces parce qu’il existe un morphisme formel (structurel) entre ces théories et les phénomènes qu’elles décrivent et où elles prédisent correctement les résultats d’expériences.

Pour contourner les lacunes actuelles de notre esprit (lié à notre formation et à notre expérience) qui nous empêche d’étudier directement ces phénomènes, prenons sa représentation formelle (la théorie) qui, elle, est disponible et intelligible, comme objet d’étude et extrayons-en les caractéristiques formelles (par exemple les invariances). .

Cette étude du formalisme que nous avons été amené à construire « empiriquement » pour que ces théories soient efficaces, devrait nous permettre d’en extraire des informations sur les phénomènes du monde physique qu’elles décrivent. Cette méthode du « meilleur ajustement », moins élégante que la méthode classique où une théorie se déduit de principes fondateurs, relève d’un paradigme pragmatique empirique d’une remarquable efficacité, de plus en plus utilisé en science.

C’est un bon moyen de contourner nos insuffisances intellectuelles actuelles. On peut espérer que celles-ci sont temporaires, car notre cerveau est un organe qui n’impose pas, en tout cas pas lui-même, des règles strictes et infranchissables, mais est une structure flexible, ouverte et adaptative qui incorpore des données et algorithmes (apprentissage sous contrainte) pour offrir des réponses pertinentes à la sauvegarde et au bien-être du corps dans son environnement. Il est certain que pour des phénomènes qu’il n’a pas encore rencontré de manière contraignante il ne possède pas des données et algorithmes associés, d’où son inadaptation.

Modérons toutefois notre optimisme, car il faut ne pas perdre de vue qu’une telle méthode « empirique » peut incorporer des « biais » comme le soulignait Bachelard, ,(une expérience est une théorie matérialisée) qui la réduirait à « une recette de cuisine », ce qui est mieux que rien mais qui ne montre pas toute la chimie qui est derrière.

Nous reviendrons sur ce point  

La mécanique quantique illustre-t-elle la limite de la pensée scientifique ?

Ayant considéré, le chemin qui va de l’atome au cerveau, en fait à l’intelligence, que peut-on dire du chemin inverse : Quelles connaissances avons-nous sur les atomes ?

R. Feynman se plaisait à dire à ses étudiants qu’ils n’allaient rien comprendre à ce qu’il allait leur enseigner et que lui-même n’y comprenait rien. Au-delà du caractère provocateur de la déclaration qu’il faut modérer par le tempérament facétieux de son auteur, cela ne l’a pas empêché d’apporter une contribution magistrale à cette discipline[18].  Reconnaissons que, si élaborer une théorie qui rend bien compte de phénomènes auxquels on ne comprend rien est encore plus fort qu’élaborer une théorie où on comprend quelque chose, cela laisse tout de même le scientifique un peu perplexe. [19]

En effet, encore plus que la relativité générale, qui si elle met en œuvre des concepts contre-intuitifs, reste une théorie « classique », la mécanique quantique a donné lieu à multiples débats sur son interprétation. Quand les scientifiques ont regardé du côté du microscopique, le spectacle qui s’est présenté n’était pas celui attendu. Le flou régnait en maître : Impossible de prédire avec une certitude scientifique le résultat d’une mesure et d’une expérience. Il a fallu construire un formalisme particulier.

L’état d’un système est représenté par une fonction d’onde qui permet d’appréhender les probabilités de résultats de mesure, qui s’obtiennent formellement par l’application d’opérateurs associés aux grandeurs physiques sur cette fonction d’onde. Le monde quantique se présente comme une superposition de nombreux états possibles qui quand on va faire une mesure va donner un résultat qui est une valeur parmi les valeurs possibles dont la probabilité dépend de la fonction d’onde. A noter que pour qu’on puisse obtenir plusieurs paramètres physiques de l’état par une mesure, il faut que les opérateurs associés aux paramètres physiques commutent. Sinon, il y a une relation d’indétermination, la relation d’indétermination d’Heisenberg, qui limite la connaissance simultanée de paramètres [20].

Ce formalisme donne une image floue de ce monde microscopique, où par exemple un électron dans un atome, même dans un état défini par ses nombres quantiques, se présente sous forme d’un nuage où une fonction définit sa probabilité de présence, dont la géométrie dépend de ces nombres quantiques, alors que de surcroît il possède un moment cinétique propre, (ce qui est une rotation en représentation classique) le spin.  Ceci échappe à toute représentation géométrique classique.

Les représentations, qu’on peut voir dans des ouvrages sur le sujet, sont celles données par le formalisme qui a été développé. Comme ce formalisme est adapté car il fait des prédictions (statistiques) qu’on peut vérifier expérimentalement comme nous l’avons indiqué précédemment, dans ce cas un morphisme doit exister avec la réalité physique. A défaut de mieux, on qualifie cette représentation de réalité physique.

On pourrait douter de l’objectivité du résultat si les expériences ne confirmaient pas cela. Cela explique sans doute le caractère particulier et étrange de ces disciplines. Mais à supposer qu’en fait on commette les mêmes erreurs ou qu’il y ait les mêmes biais dans la pensée et dans l’expérience, comment pourrait-on s’en apercevoir. Rappelons comme le disait Bachelard que les instruments portent la marque des théories qu’ils sont censés vérifier.

Ceci correspond à un cas où on atteint les limites structurelles de la connaissance .

La science est-elle totalement objective ?

 Comme cela est suggéré par ce qui a été développé précédemment il est impossible de se dégager d’une part de subjectivité. Dans son analyse sur les rôles respectifs des théories, qu’il associe au rationalisme, et des expériences, qu’il associe au réalisme, dans la démarche scientifique, Bachelard conclut qu’elles ne sont pas totalement indépendantes. Il déclare : 

« Il ne serait pas difficile de montrer, d’une part, que dans ses jugements scientifiques, le rationaliste le plus déterminé accepte journellement l’instruction d’une réalité qu’il ne connaît pas à fond et que d’autre part, le réaliste, le plus intransigeant procède à des simplifications immédiates, exactement comme s’il admettait les principes informateurs du rationalisme. Autant dire que pour la philosophie scientifique, il n’y a ni réalisme ni rationalisme, absolus et qu’il ne faut pas partir d’une attitude philosophique générale pour juger la pensée scientifique… Ainsi, dès qu’on médite l’action scientifique, on s’aperçoit que le réalisme et le rationalisme échangent sans fin leurs conseils. . Cette dualité résulte du fait que la philosophie des sciences est une philosophie qui s’applique, elle ne peut garder la pureté d’une philosophie spéculative. »

Bachelard soutient qu’on ne peut pas faire de choix exclusif entre les deux, car elles ne sont pas totalement séparables. Il explicite ce point de vue :

« Les instruments ne sont que des théories matérialisées. Il en sort des phénomènes qui portent de toutes parts la marque théorique. Après avoir formé, dans les premiers efforts de l’esprit scientifique, une raison à l’image du monde, l’activité spirituelle de la science moderne s’attache à construire un monde à l’image de la raison »

Cela résulte du fait que la science est une activité humaine. A ce titre elle en éprouve toutes ses contraintes et limitations et en inclut nécessairement une trace.[21]

Le rôle de la pensée du physicien dans la représentation (théorique) de la « réalité physique »

 Dans son article « Principe de représentation-Auto-Duale théorique », Majid (Majid S.(1991), « Principle of Representation-Theoretic Self-Duality », Physics Essays, 4) propose de représenter le réalisme et le rationalisme sous l’angle d’une dualité formelle et d’utiliser les formalismes mathématiques appropriés pour déterminer les contraintes propres à concilier les deux points de vue. En préalable, il déclare :

La physique théorique est la recherche d’un ensemble complet cohérent de lois fondamentales de la physique. Nous proposons une démarche visant à montrer que la structure ultime, à savoir l’ensemble de lois à prendre en compte par les physiciens, ne fait que refléter les structures autorisées par les contraintes de la pensée du physicien.

On peut aussi illustrer cela par une représentation d’une pièce de théâtre où l’auteur n’est en général pas présent sur scène mais il l’est dans le texte et la mise en scène.

Le scientifique est ainsi, sa production est empreinte de son être.

Ce qui fait dire que « Lorsque l’humain a tenté de percer les secrets ultimes de la nature, il a trouvé d’étranges empreintes : c’étaient les siennes !»

Illustration par le cas de la mécanique quantique

La mécanique quantique en est une illustration intéressante, car le formalisme (fonction d’onde) utilisé pour décrire un système ne donne pas son état mais une superposition des états possibles. C’est une expérimentation, une action humaine, qui va produire un état particulier parmi ces états possibles, en fonction d’une loi de probabilité.

Cas de la relativité générale

Il n’y a pas de procédé similaire dans cette théorie. L’équation d’Einstein dérive d’un lagrangien qui comporte une action de la gravitation et une action de la matière, peut-être faudrait-il incorporer une action de l’humain, mais sous quelle forme ?


Changer ou faire évoluer notre mode de pensée?

Mais dans un monde qui connait un bouleversement scientifique et sociétal, d’une ampleur sans précédent,[22] dont on a du mal à cerner les effets et conséquences, mais ou l’humain n’est plus passif ni à propos de son destin ni à propos de son environnement, il est clair qu’on ne peut jurer de rien !

Une issue se trouve peut-être dans un changement qui sera sans doute une évolution de notre mode de pensée qui devra prendre en compte les nouvelles méthodes « empiriques » pour certaines, qui nous ont permis de surmonter, du moins jusqu’à un certain niveau, des insuffisances actuelles de notre entendement, car si nous le tenons pour « raisonnable » il n’est pourtant qu’une sorte d’habitude de pensée façonnée par notre expérience.[23]

Ainsi, comme nous l’avons développé, sur la seule évidence qui est le constat de notre existence, en tant que partie d’une entité plus vaste qui existe du fait de la notre, que nous appelons l’univers, dont la modélisation fait appel à une entité, l’espace-temps, où le temps et l’espace ne sont plus des entités fondamentales nous arrivons à une conclusion cohérente (ce qui ne veut pas dire qu’elle est correcte) .

L’espace-temps existe, indépendamment de tout autre chose, comme sa représentation mathématique le montre. Il ne nécessite pas d’avoir été créé, au sens ou on l’entend usuellement, en un lieu et à un temps donné, donc à partir de quelque chose qui incorporerait ces concepts car il est plus (en fait, autre chose) que le temps et l’espace qu’il incorpore comme des « caractères » , des « phénomènes » qui des ombres projetées dans dans notre monde « sensible  » (le monde physique matériel dans lequel nous vivons), comme Platon l’avait décrit dans son allégorie de la caverne.

Ce concept d’espace-temps est « inconcevable » car nous le pensons dans le temps et l’espace (dans notre monde sensible).

Il est remarquable, que malgré ces « contraintes » de notre pensée, elle puisse nous proposer une interprétation cohérente qui, du moins aujourd’hui, préempte ces contraintes mais que nous ne pouvons pas comprendre et qui nous laisse insatisfait.

Une activité humaine (les mathématiques) nous permet d’aller au delà des contraintes de notre pensée humaine !

La causalité elle-même mise en cause!

Il se trouve que cette notion essentielle de la physique, qui a connu bien des aménagements depuis l’époque classique où un temps absolu universel et un espace absolu fournissaient un critère de causalité universel pour ensuite être réduite en relativité générale à un critère « topologique » utilisant le « cône » de lumière issu d’un événement A (un événement B a pu être causé par un événement A que si la lumière issue de A a atteint B au moment ou avant que B se produise), est elle-même mise en cause par des phénomènes comme les trous noirs, par exemple, dont on constate une large présence dans notre univers.

La conjecture de censure cosmique tente d’en préserver les aspects essentiels en encapsulant les singularités dans un horizon préservant la physique des désordres que cette singularité pourrait engendrer, mais d’une part ce n’est qu’une conjecture et d’autre part cela ne préserve la causalité qu’à l’extérieur de cet horizon, alors que l’espace-temps existe aussi (est du moins décrit mathématiquement) sous l’horizon.

Quid de la causalité sous l’horizon où rien ne protège la physique des effets dévastateurs de la singularité? Il se confirme que les mathématiques prédisent des violations flagrantes de la causalité dans certaines régions des trous noirs de Kerr, par exemple.

On peut, certes, douter de leur leur caractère physique et du fait qu’on puisse le vérifier expérimentalement, mais n’oublions pas que ces trous noirs eux-mêmes, dont on constate le pullulement dans notre univers, ont longtemps été pris pour des artefacts mathématiques sans caractère physique.

On peut aussi objecter que ces trous noirs mathématiques sont des modèles idéaux des objets physiques qu’on appelle trous noirs, mais l’existence d’un horizon existe bel et bien dans les images qu’on a pu obtenir récemment de ces objets physiques qu’on appelle trous noirs qui, s’ils ne sont pas vraiment conformes au modèle mathématique, y ressemblent bigrement!

Là encore, notre esprit, pourtant structuré par un concept comme celui de la causalité, invoquant un ordre temporel, produit des théories, qui violent cet ordre temporel. Même s’il n’est pas certain que ces théories reflètent fidèlement le monde physique dans lequel nous vivons, n’est-ce pas ce qu’on pourrait qualifier d’incohérence mentale?

Dans ces conditions l’existence de l’univers sans prédécesseur (sans « cause » et dont, de toute manière, il faudrait expliquer la cause et ainsi de suite) ne parait plus vraiment comme une hypothèse absurde car, manifestement, selon nos théories, certaines parties de notre univers se comportent de manière imprédictible.

Si la conjecture (qui n’est qu’une conjecture) de censure cosmique est censée nous protéger c’est au prix de limitations volontaires dans l’exploration de notre univers, car rien ne nous empêche de franchir l’horizon d’un trou noir (en particulier hyper-massif). Qu’y trouve-t-on?

Celui qui y pénètre ne pourra jamais le dire car il est coupé du monde extérieur, mais sa mort n’est pas certaine, car dans les trous noirs de Kerr on peut aller dans un anti-univers ou même être rejeté dans un autre univers déconnecté du nôtre. Comment sont ces autres univers ? Nous n’en avons aucune idée, mais cela montre que les hypothèses les plus folles peuvent être envisagées.

On pourrait également évoquer la mécanique quantique où c’est le déterminisme qui est mis à mal.

Cela a été le prix à payer, pour élaborer des théories qui nous permettent de décrire le monde physique dans lequel nous vivons. S’il s’avère bien mystérieux, c’est, sans doute, que notre esprit n’a pas encore fait le chemin nécessaire pour s’y adapter.

L’espoir demeure

Alors, comme nous l’avons développé dans un chapitre précédent, quand on considère les renoncements qu’il a fallu infliger à notre esprit pour décrire la relativité qui a anéanti nos concepts de temps et d’espace que l’on pensait universels et liés à la nature même de notre esprit et les renoncements encore pires liés à la mécanique quantique où c’est, en plus, le déterminisme qu’il a fallu abandonner, nous voyons que nous ne sommes pas à l’abri d’un nouveau bouleversement de ce type.

L’esprit humain n’est pas à court de ressources, comme notre hypothèse sur l’existence de l’existence de l’univers, où manifestement, il serait erroné d’utiliser des concepts qui sont internes à lui -même, l’a montré. Ce n’est qu’une hypothèse, mais elle a le mérite d’être cohérente à la structure du problème posé.


[1] On utilise la pulsation définie en radians par unité de temps à la place de la fréquence. Il y a 2π radians par période.

[2] Le caractère arbitraire des unités conduit au fait que pour l’étude de l’univers primordial, on utilise souvent le système d’unités naturelles où on pose c =1, G=1, h =1. Les unités de Planck (longueur, temps, énergie) sont des combinaisons de ces constantes construites à partir de l’analyse dimensionnelle.

[3]Cette complexité est issue de la structure des couches externes des atomes des quelques dizaines d’atomes utiles au vivant, puisque c’est à ce niveau que les atomes peuvent s’assembler pour former des molécules. C’est l’interaction électromagnétique qui est à l’œuvre. Donc cette possibilité d’évolution vers la vie relève de la structure élémentaire de la matière décrite par mécanique quantique et des interactions associées. Cette structure, qui existait dès le début de l’univers, était masquée au départ par le contexte énergétique. Elle a commencé à révéler sa puissance créatrice quand sa température a baissé. Vers 3000°K, cela a permis que les atomes neutres, où le noyau était entouré de son cortège d’électrons, soient stables. Puis vers 300°K, en stabilisant les molécules complexes, combinaison d’atomes faiblement liés, cela permet la chimie très diversifiée du vivant : ces molécules peuvent facilement se lier avec d’autres ou se casser.

[4] Remarquons que, si des théories invoquant des univers parallèles, en nombre incalculable, redonne du pouvoir au hasard, ces théories sont spéculatives, du moins pour l’instant.

[5] Soulignons aussi, l’efficacité des religions à fédérer un très grand nombre d’individus d’intérêts disparates autour d’une doctrine dans un groupe, lui conférant ainsi une puissance d’autant plus importante que le groupe est grand. Ceci a été largement exploité par les puissants seigneurs, rois et gouvernants pour fonder et assurer leur domination sur les individus

[6] De même pour notre corps et intelligence. L’ingénierie génétique permet à l’homme de modifier son corps. L’intelligence artificielle et la mise en réseau des esprits démultiplie nos capacités cognitives.

[7] On connaît les philosophies humanistes, mais ce ne sont pas les seules qui s’intéressent aux communautés. Faisons remarquer que si on peut borner la vie d’un individu, pour l’humanité c’est plus problématique.

[8] Les philosophes grecs antiques par exemple. « Connais-toi, toi-même ! »

[9]Ici, nous traitons de l’existence de l’individu et de l’humanité. Remarquons la similitude avec la description de l’existence de l’univers que nous avons faite. On a les deux mêmes approches. L’une, classique, où on suppose quelque chose d’extérieur à l’objet considéré pour expliquer la phénoménologie, l’autre où, au contraire, où l’objet considéré contient toutes les informations et propriétés nécessaires à son explication. Nous y reviendrons dans la conclusion.

[10] Au moment de l’explosion sa puissance instantanée peut atteindre celle de milliers de galaxies.

[11] Le Soleil est supposé briller de manière assez stable pendant plusieurs milliards d’années.

[12] Par exemple le réchauffement climatique qui est déjà aujourd‘hui probablement dans une phase non linéaire, ce qui compromet toute prédiction fiable. Dans le passé de la vie sur Terre, de nombreux exemples montrent que le développement sans contrôle d’une forme de vie conduit inexorablement à son extinction soit par ses déchets soit par un événement catastrophique, ce qui a pour effet de promouvoir une autre forme de vie qui sera sujette aux mêmes aléas.

[13] Si on prend les valeurs des coordonnées comme référence, cela n’a, en général, pas de sens, car en changeant les coordonnées utilisées on peut transformer un univers infini en un univers fini et vice-versa. Pour que cela ait un sens physique, il faut que le critère considéré ait un caractère physique 

[14] V. A. Belinsky, I. M. Khalatnikov et E. M. Lifschitz, 1970.

[15] IL faut noter que pour expliquer certains phénomènes dans le modèle cosmologique, on prend en compte des effets quantiques, comme le spectre des inhomogénéités, mais que cela n’est pas intégré à la théorie.

[16] Voir le Livre Homo Deus de Yuval Noah Harari. Il y évoque la possibilité de « réparer » le corps de l’humain afin d’améliorer notre santé mais aussi d’augmenter sa durée de vie et aussi de le modifier pour l’adapter plus rapidement aux changements du monde. En extrapolant à l’extrême il évoque la possibilité d’une vie éternelle qui, bien sûr, poserait des problèmes sociétaux, philosophiques et scientifiques car n’étant pas de purs esprits, nous sommes matériellement dépendants de l’univers. Les prédictions cosmologiques actuelles (une dilution infinie) seraient incompatibles avec notre existence matérielle. Mais ce modèle ne tient compte que de l’interaction gravitationnelle, les trois autres interactions, pourraient, dans ce contexte, inhiber cet effet localement. La physique n’est pas terminée et peut réserver des surprises.

[17] Dont les propriétés chimiques dépendent du nombre de protons du noyau qui détermine le nombre d’électrons de l’atome neutre et dont la stabilité est assurée par la force nucléaire. Mais ce sont les couches électroniques qui sont à l’œuvre pour les propriétés chimiques qui caractérisent l’appétence ce cet atome avec ses voisins.

[18] Il a reçu le prix Nobel en 1965 pour cela.

[19] Cela peut laisser à supposer une réalité sous-jacente cachée. Ce n’est pas parce qu’on a des règles qui décrivent bien la phénoménologie qu’on la connaît bien. La chimie, avec des règles empiriques de valence permettant de prédire les combinaisons moléculaires, a connu un développement remarquable, par exemple. On sait aujourd’hui que cela résulte de la structure des couches électroniques, en particulier externes, de l’atome.

[20]  Les opérateurs A et B commutent si le résultat ne dépend pas de l’ordre d’application des opérateurs sur la fonction d’onde. Aujourd’hui, on utilise le terme indétermination. Par exemple pour la quantité de mouvement p et la position x d’un électron, dont les opérateurs associés ne commutent pas, cela s’écrit ∆p ∆x ≥ h/2 où le terme ∆ est la précision.

[21] Ce qui fait dire que « Lorsque l’humain a tenté de percer les secrets ultimes de la nature, il a trouvé d’étranges empreintes : c’étaient les siennes !»

[22] A chaque époque on a dû faire ce genre de réflexion. Mais quand on lit les prédictions faites à horizon de 50 ans, on constate qu’elles se sont révélées totalement aberrantes. Aujourd’hui, avec l’accélération et l’ampleur du changement, scientifique, technique et sociétal, qu’on peine à intégrer, cela devient encore plus problématique, même avec les nouveaux moyens que ce progrès met à notre disposition.

[23] On en sait plus aujourd’hui sur le fonctionnement de notre cerveau. Les études montrent qu’il décide en fonction de ce qu’il connait et que sa réaction est sujette à caution lorsque des concepts nouveaux sont en jeu.