Vitesse limite, localité, équilibre local, global, stabilité des lois physiques et inertie 3/12/25
Table des matières
Quelques considérations générales. 1
Rôle structurel de l’existence d’une vitesse limite dans la physique. 2
Cas de la relativité générale. 2
Localité et relativité générale. 3
Vitesse finie des ondes gravitationnelles et principe de Mach. 7
La lumière témoigne de la structure conforme de l’espace-temps. 9
Quelques considérations générales
Le problème de localité qui a fait l’objet de nombreux débats en mécanique quantique et traité entre autres par Bell dans ses inégalités est certainement à rapprocher de l’existence d’une vitesse limite1, qui implique que l’effet éventuel d’un événement se propage à une vitesse inférieure ou égale à c et n’est pas instantanément “connu” de tout l’univers.
A contrario, un système dont l’action d’un de ses membres serait instantanément en contact causal avec tout l’univers, comme la mécanique classique l’autorise, permet de définir un temps universel, donc de disposer d’un référentiel synchronisé dans lequel l’état “présent” de l’univers entier est défini et observable.
Un équilibre local dans l’univers pourrait-il être atteint, indépendamment de l’équilibre global ? L’équilibre global implique-t-il l’équilibre local en tout point ?
L’exemple de systèmes autogravitants semble montrer qu’un équilibre, qu’on peut caractériser par un état stationnaire, n’implique pas nécessairement un équilibre indépendant, à une échelle locale.
Nous savons que les lois physiques dérivent d’un “principe de moindre action”, correspondant à un état d’équilibre à l’échelle considérée, qui leur confèrent une stabilité, au moins pour des perturbations du premier ordre, à cette échelle.
Avec une interaction instantanée à l’infini, ce qui ne peut se concevoir que pour des interactions à portée “infinie”2, tout l’univers serait concerné par cet équilibre, ce qui rend problématique des équilibres locaux déterminés par le seul voisinage.
On perdrait ainsi en diversité dans les équilibres, puisqu’ils ne concerneraient qu’un seul objet3, et corrélativement en richesse phénoménologique, un phénomène se manifestant en général par un passage d’un équilibre local d’un objet ou d’un système à un autre.
Avec une interaction instantanée l’univers entier devrait passer instantanément d’un équilibre global à un autre.
Ceci pose alors le problème de l’identité des objets locaux, puisque seul l’univers devrait être alors considéré comme un objet physique à part entière puisque lui seul serait soumis au principe de moindre action.
Rôle structurel de l’existence d’une vitesse limite dans la physique.
Le fait que la propagation des interactions liées à des phénomènes locaux ne soit pas instantanée joue donc un rôle essentiel dans l’existence et le caractère physique même des objets, supposés localisés dans l’espace et le temps, puisque c’est leur caractère local et leurs degrés de liberté (leur indépendance relative à une échelle spatio-temporelle donnée, condition de leur existence) qui sont mis en cause.
Mais cela ne limite-t-il pas les équilibres locaux à des équilibres précaires et limités dans la durée, le temps que le système se “relaxe”, temps de relaxation qui dépend de la taille de l’ensemble considéré.
Cette vitesse limite ne joue elle pas un rôle similaire à celui qu’on attribue à “l’inertie” dans les phénomènes d’interactions sur les corps massifs ?
Ce qui est certain, c’est que même si on n’en cerne pas tous les attributs et attendus, l’existence d’une vitesse de propagation finie, inférieure à une limite, de l’information liée aux phénomènes physiques joue un rôle structurel essentiel dans toutes les lois physiques.
Cas de la relativité générale
Les propriétés énoncées pour la relativité restreinte restent en vigueur au moins localement en relativité générale puisque dans cette théorie géométrique de la gravitation modélisée par une variété, par construction, l’espace-temps local en un point (espace tangent à la variété) dont le référentiel est appelé référentiel de Lorentz, est celui de la relativité restreinte.
Mais il y a des différences, comme la localisation spatio-temporelle des objets avec leurs paramètres associés (vitesse relative par exemple) en relativité restreinte4 qui peut se faire, bien que relativement, dans une structure d’espace-temps fixe qui est un espace vectoriel.
Cela est physiquement problématique5 en relativité générale où l’espace-temps est d’une part une variété courbe qui n’est pas un espace vectoriel et d’autre part une structure dynamique et où les objets sont partie intégrante et constituante d’une géométrie globale 6 qu’ils contribuent tous à définir7.
Ceci a pour conséquence que si on modifie ou si on perturbe les attributs d’un seul objet, la chrono-géométrie globale s’en trouve affectée.
La relativité générale étant une théorie de la gravitation qui ne prend en compte que l’interaction gravitationnelle à l’exclusion de toutes les autres, on ne peut pas parler “d’évolution 8” du système puisque la variété quadridimensionnelle décrit exhaustivement l’espace-temps dans toute son étendue spatiale et temporelle et ceci indépendamment de toute référence extérieure (nul besoin de structure prédéterminée d’espace-temps pour être définie).
Autrement dit tout ce qui peut se produire (sous l’effet de la seule gravitation) est totalement déterminé et décrit par la modélisation par la variété.
Cette “évolution” peut-elle être perturbée et par quelles sources ?
Rappelons que la gravitation est une interaction à portée “infinie”, comme l’interaction électromagnétique, ce qui signifie que leurs bosons médiateurs sont de masse nulle et se propagent à la vitesse de la lumière alors que les interactions faibles et fortes sont à portée finies (en général très courtes) avec des bosons médiateurs massifs.
L’intensité de l’interaction gravitationnelle est extraordinairement faible par rapport à l’interaction électromagnétique (environ 1041 fois).9
Son domaine de dominance qui va déterminer la dynamique de l’univers va se produire à grande échelle astronomique et cosmologique où le fait que la gravitation soit toujours attractive va préempter les interactions électromagnétiques attractives et répulsives qui se neutralisent en général à cette échelle10 alors qu’elles sont ultra-dominantes à l’échelle humaine, assurant la cohésion des corps solides par exemple11.
Il convient quand même de vérifier qu’on n’est pas dans des circonstances exceptionnelles qui feraient que cette hypothèse ne serait pas valide (cas au voisinage des singularités par exemple en relativité où les densités de matière sont telles qu’on ne peut pas ignorer les autres interactions), d’autant que dans ces cas-là, la théorie à utiliser reste à construire.12
En tout état de cause, la théorie de la relativité générale définissant un univers décrit par un modèle à l’équilibre, il est utile d’étudier sa sensibilité aux perturbations.
Localité et relativité générale
Les solutions de la relativité générale sont des univers dynamiques, établis par minimisation de l’action de Hilbert, qui doivent prendre en compte tous ses constituants. Dans un langage newtonien, nous serions tentés de dire : “Dans son état à un instant donné et dans son évolution”.
Mais la présentation formelle et rigoureuse du problème, comme nous le verrons, entre autres, quand nous présenterons et discuterons les débats à l’Académie des Sciences, a profondément désorienté les scientifiques.
En effet, la variété à quatre dimensions, définie par le calcul variationnel, garantissant un équilibre (extremum) via le principe de moindre action, représente l’espace-temps en totalité et est donc globale. Cela ne va il pas à l’encontre de la localité que nous avions sacralisée auparavant ?
Rappelons qu’en langage newtonien ceci indique que la variété décrit l’espace-temps dans son extension spatio-temporelle intégrale décrivant tout l’espace dans toute son évolution passée et future, offrant en quelque sorte une vision “divine” de l’univers, car tout ce qui s’est passé et qui va se passer en tout lieu de cet univers est décrit par la variété.
Tout est déterminé. Il semblerait donc n’y avoir aucune liberté possible !
Une modération s’impose, car, comme nous l’avons dit, cet état n’est dicté que par l’interaction gravitationnelle, alors que d’autres interactions existantes ne sont pas prises en compte. Pour que cela s’applique, il ne faut pas que des régions spatio-temporelles, où la gravitation ne serait pas dominante, existent. En pratique, cela s’applique à l’échelle de l’univers, pas trop près des singularités et cela concerne les très grandes structures.
Heureusement, tout un espace-temps de liberté, sans effet notable sur la dynamique de l’univers, reste ouvert, où les autres interactions vont jouer un rôle important, en particulier pour nous autres les humains.
Regarder comment un système évolue en fonction du temps physique n’a pas la même signification en relativité générale qu’en mécanique classique où il existe un seul temps (absolu et physique) et où cela a un sens universel et objectif.
En relativité il y a autant de temps physiques possibles13 que d’observateurs, donc chacun a une perception, en général différente de celle du voisin, de l’évolution de l’univers14. Plus précisément plutôt que de parler d’évolution de l’univers, il en explore le paysage spatio-temporel en empruntant un sentier particulier : sa ligne d’univers.
Ce qu’on appelle “les conditions initiales” sont déterminées par les coordonnées spatio-temporelles de l’observateur, elles précisent ses coordonnées initiales correspondant à un point de sa ligne d’univers arbitrairement choisi.
Soulignons que le caractère déterministe de la mécanique classique réalise quelque chose de semblable puisque la connaissance des positions de toutes les masses des corps et de leurs vitesses à un instant (absolu) donné permet de prédire le futur et calculer le passé du système, en fonction du paramètre temps dans un espace euclidien (absolu), de structure non dynamique15, avec un temps indépendant absolu (ce qui rend non ambigu le concept “d’instantané” du système).
Ceci permet par assemblage temporel de ces “instantanés” (feuilles) de construire un univers dans son extension spatio-temporelle, à l’image d’une variété, mais à l’inverse de la relativité générale où on procède par découpe d’une variété spatio-temporelle en feuilles spatiales.
En mécanique classique, l’équilibre donné par le principe variationnel s’applique à chaque instant pour chaque section spatiale à la différence de la relativité générale où, de façon moins contrainte, il n’est réalisé que globalement et indissociablement pour l’espace-temps.
La représentation “absolue” de la mécanique newtonienne présente un caractère d’objectivité qui s’impose à tous les observateurs qui peuvent (en principe) s’accorder sur des valeurs spatiales de distance et de temps séparément et indépendamment entre deux événements.
A contrario, comme nous l’avons signalé, la formulation en relativité générale ne sépare pas naturellement espace et temps, car ils sont intégrés dans une structure métrique et l’espace-temps a une structure dynamique précisément dépendante de la matière et si une possibilité d’accord sur les phénomènes de l’univers et l’univers lui-même entre les observateurs est possible elle ne peut s’opérer qu’à travers un accord sur un modèle d’univers parmi un grand nombre d’univers possibles qu’il convient de déterminer par des tests d’hypothèses.
Il est possible de feuilleter une variété pseudo-riemannienne, comme celle décrivant l’univers en relativité générale, en sous variété spatiales (sections spatiales à t = constante), ce qui est utilisé sous certaines conditions, au détriment de la covariance, dans le formalisme ADM.
L’assemblage des feuilles16 en fonction de la coordonnée temporelle, compte tenu de l’intégration de la coordonnée temporelle dans une structure spatio-temporelle pas forcément séparable, n’est pas aussi naturelle et systématique que dans le cas de la mécanique classique.
Comme les théories de gravitation relativiste et classique sont physiquement différentes il ne faut pas s’étonner de ces différences.
L’auto-couplage masse active-passive induit une représentation globale de la gravitation fondamentalement différente de celle de Newton
En relativité générale, compte tenu de l’auto-interaction entre la masse gravitationnelle active et passive d’un corps, on ne peut traiter le problème des N corps que globalement, comme en atteste l’équation d’Einstein qui va en décrire la géométrie (courbure spatio-temporelle en tout point) qui résulte d’un principe de moindre action17 concernant l’univers, que toutes les masses contribuent à définir en vertu d’une même loi, dans sa globalité.
En effet, si la masse passive se couplait à la masse active en vertu d’une loi qui imposerait une localité à la masse active, nous aurions un problème d’infini pour l’auto-couplage alors que cela ne se produirait pas pour l’action vers les autres corps, à moins de définir deux lois différentes, une pour l’auto-couplage et une autre pour l’inter-couplage, ce qui serait assez surprenant et contraire à l’universalité de la définition de ces concepts.
On peut noter que conceptuellement cette approche où tous les corps sont traités de la même manière dans l’équation en générant un “champ global” (en fait une courbure définissant des géodésiques) auquel chaque corps est soumis, ce qui lui fait décrire une géodésique, est plus “symétrique et démocratique” que celle de la gravitation newtonienne où, dans le problème à N corps, on devait séparer le corps étudié subissant l’action des N-1 autres corps générant le champ auquel il est soumis.
La théorie de la relativité propose une solution élégante pour résoudre ce problème, car le principe même de courbure n’est pas local, un point isolé ne permettant pas de la définir puisque qu’au minimum un ouvert infinitésimal contenant ce point doit exister.
Comme cette courbure résulte de la configuration de toute la matière énergie de l’univers, ceci montre que les “vrais” paramètres physiques concernant la gravitation ne sont pas locaux mais globaux, comme en atteste le fait qu’on ne peut pas définir localement un tenseur de gravitation mais seulement un pseudo-tenseur.
C’est une difficulté conceptuelle majeure qui été une source de difficultés de compréhension pour beaucoup de scientifiques, formés à la discipline newtonienne.
Il faut toutefois souligner que s’il n’y avait que la gravitation qui agissait localement sur les corps et masses nous n’aurions pas notre place dans cet univers totalement déterminé et stérile.
D’autres interactions (électromagnétiques, nucléaires, collisions, éjection de matière, etc.) vont-elles perturber ce bel équilibre modifiant les données de la gravitation puisque certaines masses vont être déplacées suivant d’autres lois que celle de la gravitation, ce qui va conduire à définir des couplages entre ces éléments “extérieurs” et la gravitation et va en modifier, au moins pour ces objets, la dynamique et en conséquence l’espace-temps pour prendre en compte cette nouvelle disposition de masses.
Concernant l’électromagnétisme, elle peut être intégrée, au moins théoriquement, et en pratique dans certains cas particuliers comme la solution de Reissner-Nordström des trous noirs chargés statiques à symétrie sphérique et de Kerr-Newmann (trous noirs de Kerr chargés18) en couplant l’équation d’Einstein avec celle de Maxwell.
La solution obtenue prend “nativement” en compte la matière énergie (tenseur symétrique énergie-impulsion correspondant à la matière et à la charge électrique) dans l’équation d’Einstein et via l’équation de Maxwell, qui lui est couplée, l’interaction électromagnétique (tenseur antisymétrique électromagnétique).
B. Carter a proposé une solution générale analytique (exacte)19 pour les géodésiques suivies par des particules chargées (ou non) dans le cas générique du trou noir de Kerr-Newmann qui recouvre tous les autres (Schwarzschild, Reissner-Nordström, Kerr).
Bien entendu, il y a d’autres possibilités pour modifier le “cours naturel” de la phénoménologie liée à la gravitation éventuellement couplée à l’électromagnétisme, mais on peut donc se demander si ces sources externes à la gravitation modifient significativement la dynamique macroscopique de l’espace-temps.
Par exemple dans le cas d’une fusée fonctionnant par réaction utilisant le principe de conservation de la quantité de mouvement, on peut noter que si la fusée (accélérée) ne suit pas de ligne d’univers géodésique (sous l’action de la seule gravitation), le centre de masse de la fusée et de la matière éjectée en suit une.
Comme les interactions fortes et faibles sont à très courte portée, elles n’interviennent pas, sauf cas extrême, dans la dynamique de la gravitation. Concernant l’électromagnétisme, régie par le tenseur électromagnétique antisymétrique, des interactions locales provoquant des mouvements de matière chargée peuvent être importants.
Mais l’univers étant supposé électriquement neutre, les charges opposées se neutralisant à grande échelle on peut aussi négliger son effet à cette échelle. Par contre, via son tenseur énergie-impulsion symétrique, la charge électrique, comme la matière, génère et se couple avec un champ gravitationnel. 20.
Autrement dit lorsque des événements, qui modifient l’état local du système en respectant les lois de conservation locales, surviennent cela n’est qu’un changement de configuration, de modalité, d’incidence, en général très circonscrite sur les variables fondamentales qui régissent la dynamique de l’univers.
La phénoménologie du pendule de Foucault plaide en faveur de cette hypothèse.
De la masse qui se transforme localement en énergie cinétique ou un rayonnement, ne change pas le bilan énergétique local au niveau gravitationnel du fait du principe d’équivalence fort, mais pourrait, par contre, influer sur la dynamique locale des objets concernés, sans influer sur la dynamique globale, du fait de la forme différente du tenseur énergie-impulsion entre la matière et l’énergie comme le rayonnement21.
Ceci se traduit localement par des équations d’état différentes et conduit à des phénoménologies différentes, car la matière est de l’énergie condensée localisée alors que sa conversion en énergie est du rayonnement qui se propage. Il faudra aussi tenir compte qu’en relativité générale, pour déterminer les masses gravitationnelles actives, souvent on est amené à considérer des flux traversant des surfaces.
Les lois de conservation locales garantissent une stabilité vis-à-vis de phénomènes globaux, même si les configurations locales du système peuvent être différentes, cela pourrait conduire à des configurations globales équivalentes du fait que même si de la matière se change en énergie, cela est pris en compte dans le bilan global que la relativité prend en charge.
Il pourrait en résulter simplement une autre configuration de répartition matière énergie et impulsion énergie parmi toutes celles qui sont possibles correspondant à une autre représentation du même univers.
Ces considérations, spéculatives pour certaines, étant faites soulignons que dans les cas qu’on traite généralement les systèmes, que la relativité générale décrit, mettent en jeu des masses considérables neutres et que l’effet éventuel de ces transformations “locales” serait en général négligeable, à l’échelle à laquelle on se place, en particulier à grande distance.
Ainsi en cosmologie, au vu des approximations plutôt énormes d’homogénéité et d’isotropie que l’on fait, le fait même qu’une étoile au cours du temps transforme une partie notable de sa matière en énergie, en éjecte dans l’espace peut sans doute complètement être négligé.
Mais au niveau du principe, l’analyse du phénomène reste intéressante.
Vitesse finie des ondes gravitationnelles et principe de Mach
Si dans beaucoup de solutions, en particulier celle que nous considérons, le champ est statique ou stationnaire, il faut rappeler que ce champ est fossile, la solution étant “éternelle”.
Dans le cas plus général où des corps sont en mouvement, la théorie prédit une génération d’ondes gravitationnelles22 de vitesse de propagation finie et égale à celle de la lumière.
A l’instar de l’électromagnétisme, et des théories de jauge en général, ce champ d’ondes, dont le graviton est censé être le boson médiateur dans une théorie quantique, est une propriété qui caractérise la symétrie de jauge.23
Plus prosaïquement, on l’interprète comme un phénomène de réaction à un changement de configuration.
Ajoutons que la perte d’énergie, associée à l’émission de ces ondes, conduit par exemple un système binaire à fusionner ce qui montre qu’aucun système de masses en interaction de ce type n’est stable et qu’à terme tout devrait fusionner en trous noirs.
Ceci rejoint les théorèmes de singularités de Penrose et Hawking24 qui les déclarent incontournables en relativité générale. Ces singularités structurent la variété puisqu’elles matérialisent des points particuliers de “convergences” de la variété où aboutissent des faisceaux de géodésiques incomplètes.25
La vitesse finie des ondes gravitationnelles semblerait donc plaider vers une réhabilitation de la localité puisqu’un changement, à supposer qu’il ait une influence gravitationnelle, n’est pas connu instantanément de l’univers, même si on doit considérer que leur description est intégrée à la variété puisqu’elle intègre également le temps.
Cela n’est pas sans suggérer le principe de Mach26 tel qu’Einstein l’avait introduit dans sa théorie stipulant que l’inertie (la masse inerte) prenait sa source dans l’interaction d’un corps avec l’ensemble des masses de l’univers comme une réaction à une tentative de changement de l’état du système formé par l’univers et qui étant de nature gravitationnelle induisait la proportionnalité de la masse inerte avec la masse passive.
Einstein s’en explique longuement dans l’introduction de son article de synthèse de 1916 27 et nul doute que cela a été une source d’inspiration majeure dans son élaboration de la relativité générale.
Il persiste dans son attachement à ce principe dans la cosmologie qu’il élabore en 1918 en posant comme hypothèse que l’univers devait être isotrope et homogène (principe copernicien), statique (ce qui correspondait à l’état connu de l’univers à l’époque et qui l’a conduit à introduire la constante cosmologique) et être clos (géométrie spatiale hyper sphérique), cette dernière contrainte pour précisément satisfaire à ce principe de Mach (l’inertie naît de l’interaction avec toutes les masses de l’univers).
En effet, des solutions comme celles de Schwarzschild lui posaient des problèmes, car le champ s’annulant à l’infini, les corps ne devaient plus y avoir d’inertie. Celle d’univers de De Sitter, sans matière, paraissait28 encore plus problématique.
En fait la relativité générale ne satisfait que très partiellement au principe de Mach. Certaines solutions y satisfont (cosmologie d’un univers de poussière par exemple) mais beaucoup d’autres n’y satisfont pas. Einstein a d’ailleurs fini par renier ce principe au bénéfice d’une interprétation plus physique fondée sur des considérations en théorie des champs.
Le principe de Mach ne se laisse pas facilement mettre en équation, les tentatives pour construire des théories relativistes29 conformes à ce principe, au prix du renoncement à d’autres principes (comme le principe d’équivalence fort par exemple), n’ont pas permis d’atteindre totalement l’objectif et n’ont pas apporté de contributions décisives.
À la lumière de la physique moderne cette interprétation par le principe de Mach de l’inertie peut paraître naïve, mais dans le contexte de la relativité générale où l’ensemble de la matière- énergie n’est que le tissu d’une seule entité30, à défaut d’être exacte, elle n’est pas incohérente.
L’inertie naîtrait d’une réaction (avec généralement émission d’ondes gravitationnelles) au changement dans une configuration globale des masses en interaction gravitationnelle à l’équilibre, condition nécessaire pour arriver à un nouvel équilibre à “distance et temps” finis31 de la précédente. La variété doit rendre compte de ces “ondes”, phénomène inhérent à la description de la dynamique des corps, puisqu’elle décrit l’univers dans toute sa dynamique. La perception de l’univers par l’observateur n’y échappe pas.
Concernant ces ondes, il faut quand même préciser que l’étude des ondes gravitationnelles émises et reçues (dans un cadre perturbatif pour les ondes faibles par exemple) mettent en jeu des mécanismes assez complexes qui rendent leur interprétation délicate dans le cadre de la théorie covariante rigoureuse.
La lumière témoigne de la structure conforme de l’espace-temps
On attribue à la lumière un rôle profond qu’on suspecte d’être fondamental dans l’espace-temps. Si la lumière possède des propriétés différentes de la matière, elles ne sont pas nécessairement intrinsèques, elles peuvent n’être, au-delà d’un aspect formel, que le révélateur de certains éléments de la structure de l’espace-temps, la matière en révélant d’autres.
Par “lumière” il faut entendre au sens général tout phénomène physique qui se propage à cette vitesse limite commune dans tous les référentiels et comme les ondes électromagnétiques sont d’un usage pratique on s’y réfère de façon générique.
La propriété géométrique de la lumière est que ses lignes d’univers sont telles que le tenseur métrique (ds²) est nul.
E. Cartan montre d’ailleurs dans un article32 en 1922, que nous commenterons au chapitre suivant, qu’annuler une forme de métrique conduit à définir ce qu’il appelle un univers “optique” où, à défaut d’une métrique, ne subsistent que des relations conformes dont il définit les propriétés (à défaut de pouvoir définir une longueur spatio-temporelle on sait malgré tout en faire le rapport, car l’homothétie est définie et subsistent les angles invariants par toute transformation conforme).
Par ailleurs les lignes d’univers de type nul sont toutes géodésiques mais si la vitesse de la lumière n’est pas affectée par un “boost” du référentiel d’émission par rapport à un référentiel de réception sa fréquence (donc son énergie) l’est.
C’est une phénoménologie différente de celle de la matière vis-à-vis de ce boost qu’il sera intéressant d’analyser.
L’étude des géodésiques de type nul renseigne sur la nature conforme de l’univers (en quelque sorte son squelette) et elle révèle l’existence de familles structurantes de géodésiques nulles principales dont la description permet de classifier ces espaces33.
Les équations, données par Painlevé en 1921, de géométrisation en coordonnées purement spatiales de la mécanique classique peuvent être étendues à la solution de Schwarzschild en relativité générale, même si dans son article il fait une erreur sur le facteur conforme à appliquer. Notons que sa méthode s’appuie sur ce qu’on appelle le lagrangien géodésique auquel il se réfère en tant que « principe de Hamilton » dans son texte.
Ceci n’est ni fortuit ni banal, car dans ce type d’espace “vide” où le tenseur de Riemann se réduit au tenseur conforme de Weyl, la structure conforme joue un rôle essentiel.
Concernant cette structure conforme, E. Cartan indique que s’il existe quatre directions nulles principales dans les espaces temps définis par la relativité générale elles se réduisent à deux doubles34 dans le cas de l’univers à symétrie sphérique que nous étudions.
On sait qu’on peut “décomposer” le tenseur de Riemann à quatre indices (20composantes indépendantes au maximum) par une combinaison utilisant la métrique et deux tenseurs, le tenseur de Ricci à deux indices (10 composantes indépendantes au maximum) qui en est la trace et le tenseur de Weyl à quatre indices (10 composantes indépendantes au maximum) qui est le tenseur de Riemann expurgé de toutes ses traces.
C’est ce tenseur de Weyl, invariant par transformation conforme, qui témoigne de la structure conforme de l’espace-temps et sa structure (ses symétries évidentes ou non) permet la classification des espaces temps.
Cette structure conforme définit également la causalité, sur laquelle repose fondamentalement toute la physique35, puisque c’est la lumière, en fait la valeur nulle de la forme, en délimitant topologiquement les régions de passé et futur causal d’un point de l’espace-temps, via la représentation du cône de lumière qui en définit les critères.
Ces propriétés exclusives de la “lumière” témoignent de son rôle particulier dans la théorie.
On peut donc être surpris par le fait que, alors que la métrique est la variable fondamentale en relativité générale, une structure de type conforme, qui n’y fait pas référence, régit la causalité à laquelle la physique doit impérativement se soumettre.
La métrique s’adresse, elle, à la matière et à ses observateurs en permettant de déterminer des intervalles d’espaces temps, non nuls, de type temps en particulier sur des lignes d’univers.
Fréquence et distance
La lumière se propage toujours à la même vitesse dans tous les référentiels galiléens (locaux ou globaux) mais sa fréquence observée dépend du référentiel. Ceci fait qu’on ne considère, généralement, pas la trajectoire suivie par la lumière, elle-même, comme un référentiel (synchronisable) en relativité restreinte. Le balisage, par un paramètre affin, ne peut pas se faire par le temps propre, ou une grandeur de type espace comme pour les géodésiques de type temps ou espace, mais par une fréquence.
Cela souligne la nature spatio-temporelle native de la lumière, ce qui est caractérisé par l’expression homogène du tenseur métrique de la relativité restreinte dans une base de coordonnées nulles. Voir Special relativity in Newman-Penrose Formalism 06/25/24
Ceci montre le caractère différent de la matière condensée et du rayonnement qui se traduit formellement au niveau du vecteur quadri-impulsion (nul pour le rayonnement, non nul pour la matière) et du tenseur énergie-impulsion (trace nulle pour le rayonnement, non nulle pour la matière) et par une phénoménologie distincte vis-à-vis d’un transfert d’énergie.
Mais on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il doit y avoir quelque part un niveau de convergence qu’il ne semble pas aisé à cerner.
Le débat sur le décalage spectral est instructif à cet égard, car on voit que ce messager qu’est la lumière est sensible (par la variation de sa fréquence qui caractérise son énergie) à la structure de l’espace-temps dans lequel il se propage et peut en être considéré comme un marqueur pour des classes d’observateurs spécifiés comme ceux de Painlevé et ceci sans préjuger de la manière dont on mesure cette fréquence et sa variation (en pratique par spectroscopie).
Notons qu’aujourd’hui l’unité de distance est définie à partir de la définition précise d’une fréquence (l’inverse d’un temps) d’un rayonnement en postulant que la vitesse de la lumière est constante ce qui a été vérifié expérimentalement avec une excellente précision.
D’ailleurs la télémétrie de précision à laser utilise cette propriété, car pour mesurer des distances on mesure des temps d’aller-retour d’éclairs de lumière.
Notons le côté paradoxal de la chose où pour mesurer un élément métrique (une distance) on utilise un phénomène qui ne contient pas en lui-même cette notion de métrique.
Mais concernant l’espace-temps géométrique ne peut-on pas alternativement étudier le problème en considérant la variation d’une fréquence d’un rayonnement sur sa géodésique comme le changement d’une échelle de longueur physique ?
La fréquence, associée au temps, déterminant donc l’énergie n’est pas un paramètre sans effet en physique puisqu’on sait, en théorie quantique des champs par exemple, que beaucoup de paramètres sont sensibles à l’énergie à laquelle on les mesure et il est connu que la résolution spatiale dépend de l’énergie de la lumière utilisée dans l’instrument.
Cet aspect que nous ne faisons qu’évoquer a bien entendu un caractère spéculatif, mais sachant que l’essentiel des informations que nous recueillons sur l’univers viennent de la lumière émise par ses objets, cela pourrait en donner une autre interprétation nécessairement cohérente avec l’actuelle qui pourrait être utile dans certains cas.
Vitesse finie et passé
Soulignons également que le fait que la vitesse de la lumière soit finie permet de “voir” les objets distants tels qu’ils étaient dans le passé de l’univers.
Notes
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1Ne pas confondre avec le caractère “instantané” des résultats d’une mesure sur un des constituants “intriqués” d’un système quantique qui fixe l’état de l’autre.
2Les interactions forte et faible à courte portée échapperaient à cette phénoménologie. Ne seraient concernées que l’électromagnétisme et la gravitation. En fait compte tenu de la “neutralité électrique à grande échelle, seule la phénoménologie de la gravitation semble impliquée.
3L’univers serait l’entité “suprême” ?
4Même s’il n’existe pas d’espace-temps absolu physique qui serait matérialisé par un éther.
5Même si on repère les objets par des coordonnées sur la variété modélisant l’espace-temps il faut se rappeler que ces coordonnées n’ont aucun caractère physique.
6Les difféomorphismes par exemple, produisent des univers qui sont les mêmes. Ce qui pose problème quand on veut comptabiliser les configurations différentes en relativité générale, dans des théories comme la gravitation quantique. Voir par exemple Rovelli (1997) chapitre 5-3.
7Comme chaque corps se couple avec le champ généré par tous, les variables “physiques” sont globales.
8Le terme “évolution” s’entend dans une vision hamiltonienne, mais la variété étant quadridimensionnelle, la coordonnée temporelle considérée est partie intégrante de la métrique, vraie variable en relativité générale, définie sur la variété. C’est le parcours d’observateurs sur des lignes d’univers de type temps sur la variété qui révèle l’évolution de cette métrique le long de cette ligne d’univers.
9On déduit cette valeur par exemple en comparant la répulsion électrique mutuelle de deux électrons par rapport à leur attraction gravitationnelle. Certains (Dirac avait émis cette hypothèse) y voient un lien, en ordre de grandeur, avec le rapport entre la taille d’un électron (10-15 m) et celle de l’univers (1026 m) et en tirent des conclusions sur le rapport des valeurs des constantes physiques (gravitationnelles et électromagnétiques).
10L’univers est supposé neutre, à grande échelle. En général on néglige à cette échelle l’action des charges électriques que pourraient posséder les astres, car s’ils en ont à un moment donné ils seront neutralisés par les plasmas interstellaires eux-mêmes neutres au-delà de la distance de Debye.
11Les interactions fortes et faibles concernant le noyau atomique dominent à l’échelle microscopique.
12C’est l’objet de théories comme celle des cordes, de la gravitation quantique qui sont encore en chantier.
13Le cas des solutions cosmologiques où l’évolution de l’univers peut être décrite comme une expansion des coordonnées spatiales en fonction de la coordonnée temporelle correspond à un autre concept. Pour l’équivalent il faut considérer des observateurs avec leur temps propre qui peut, comme dans la forme de Painlevé y être égal.
14La conséquence de cette assertion est que différents observateurs vont observer des évolutions différentes, certains pouvant cependant être plus représentatif des caractéristiques de l’espace-temps.
15Cela correspond à la formulation hamiltonienne ADM en relativité générale.
16On ne peut pas garantir, a priori, que les paramètres de la feuille vont correspondre à un “équilibre” de l’état comme en mécanique classique.
17Souvent appelé principe “variationnel” du fait qu’on cherche un extremum.
18Ces solutions sont assez théoriques, puisqu’on considère que de tels objets ne sont pas chargés.
19B. Carter (1968). La solution proposée traite le cas général dont se déduisent les cas particuliers.
20Il faut toutefois être prudent avec le concept d’énergie en relativité générale, car il n’est pas toujours clairement défini. Mais dans des espaces temps stationnaires comme celui que nous étudions, sa définition n’est pas ambiguë. Pour des corps chargés électriquement, seul le tenseur énergie-impulsion symétrique est pris en compte.
21Le tenseur énergie-impulsion du rayonnement est à trace nulle.
22Dont le “graviton” serait l’hypothétique médiateur en théorie des champs quantique.
23La dérivée covariante en relativité générale qui a une même forme similaire à la dérivée de jauge en théorie quantique des champs, qui pour conserver les équations, suite à une symétrie locale, inclut un couplage avec ce champ de jauge qui apparaît ainsi. Beaulieu L. montre comment la relativité générale est une théorie de jauge.
24Voir références Hawking et Penrose, en particulier : Hawking S.W. & Penrose R. (1997). La nature de l’espace et du temps.
25Dans certains espaces-temps, on peut aussi avoir des boucles temporelles.
26Einstein avait une grande admiration pour Mach, qui ne la lui rendait pas.
27Einstein (1916), introduction.
28L’espace-temps de De Sitter de dimension n = 4, métrique de signature (-, +, +, +) est à symétrie maximum. Sa courbure spatio-temporelle (caractérisée par le scalaire de Ricci R > 0) est égale en tout point (t, x, y, z) de la variété. Cette solution peut être établie directement à partir des propriétés du tenseur de Riemann qui vaut Rρσμν= K(gρμgσν-gρνgσμ) avec K = R/(n(n-1) dans ce cas de symétrie maximum, sans utiliser l’équation d’Einstein, critère qui caractérise les solutions de la relativité générale. Cependant, elle satisfait à son équation comme les 2 autres espace- temps à symétrie maximum établis de la même manière (Minkowski où R = 0 et anti-De Sitter R < 0),. Voir Carroll (2003) p 323-329 pour une démonstration. M. Mizony fait observer que la variété De Sitter peut être munie d’une infinité de métriques paramétrées par la “constante cosmologique” λ > 0. Il établit une distinction épistémologique entre la variété différentiable unique associée à l’espace-temps de De Sitter et les variétés métriques pseudo-riemanniennes qu’on peut y construire qui sont multiples. C’est cohérent avec la revendication de la relativité générale de ne considérer comme physique que des entités indépendantes des coordonnées. Des travaux tentent d’évacuer le caractère arbitraire de la métrique en ne retenant que des critères “conformes” (rapport, angles, et un critère de comparaison sans métrique).
29Brans et Dicke (1961) ont élaboré une théorie scalo-tensorielle dans cet esprit, qui a été suivie d’autres. À noter que la théorie est conformément invariante par rapport à la “constante gravitationnelle” G, qui n’est plus une constante mais dépend des coordonnées et joue le rôle d’un facteur conforme.
30La géométrie globale résulte de toutes les masses, ce qui est cohérent, à défaut de l’expliquer totalement, avec le fait que le pendule de Foucault ou le gyroscope soit insensible (ou très peu sensible) aux masses proches.
31La variété décrivant l’espace-temps est-elle globalement modifiée, autrement dit les phénomènes générateurs de cette modification sont-ils externes à la variété ou est-ce une observation en parcourant une ligne d’univers ?
32E. Cartan (1922 c)
33Cela fera l’objet d’une étude plus systématique plus tard, classification de Petrov (1954) et Pirani (1957) qui sera d’une grande utilité pour définir des espaces-temps comme celui de Kerr également de type D, mais l’article de E. Cartan, plutôt méconnu, contient quasiment toute l’information à ce sujet.
34De type D mais E .Cartan n’utilise pas cette terminologie introduite plus tard.
35S’il n’y avait qu’une chose à garder en physique c’est sans doute celle-là.