Science: description de la nature ou description de la connaissance de la nature? 20/02/25

Introduction

A l’instar de Wigner ( voir Mécanique quantique: Le point de vue de Wigner est-il justifié?5/09/24 ) qui soutient que, en mécanique quantique, la décohérence de la superposition quantique survient non pas au moment où on fait une expérience mais au moment où on prend connaissance du résultat de cette expérience, on peut se demander si cela ne s’applique pas à toute la science.

La nature formelle de la connaissance

Dans d’autres pages de ce site, nous avons développé la notion de « réalité physique ».

Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il valait mieux parler de la connaissance (limitée), de cette « supposée réalité »[1], que de la réalité physique qui supposerait une « connaissance parfaite » de l’objet physique considéré.

En effet le concept de connaissance est objectif et incontestable car il peut être « mesuré » et donc représenter le degré de connaissance d’un sujet considéré.

La théorie de l’information en donne une illustration formelle car, dans certains cas, on peut déterminer l’information qu’il faut acquérir pour déterminer totalement un système qu’on peut comparer à celle qu’on a acquise par des expériences et/ou des considérations formelles (théories par exemple).

La nature pratique de la connaissance par l’humain

La connaissance, par un être humain, d’une information sur un système nécessite de mettre en oeuvre les ressources temporelles et spatiales de l’humain.

La pensée n’est pas « instantanée » elle a une extension temporelle et spatiale dans notre cerveau, au moins. Elle est intriquée dans le mécanisme physique ou formel qu’elle appréhende et, comme à ce titre fait partie de la connaissance du phénomène, elle y appartient.

Peut-on extraire la réalité physique de la connaissance qu’on en a?

Peut-on détacher ce recours, nécessaire, lors de la prise de conscience du phénomène, recours ayant une épaisseur spatio-temporelle intellectuelle, du phénomène décrit pour en extraire ce qu’on pourrait considérer comme le phénomène objectif, débarrassé de cette subjectivité inhérente à la manière dont cette connaissance a été acquise ?

Le résultat est comme un alliage de deux éléments où la structure résultante n’est pas un agrégat des deux composants mais une nouvelle structure (cristalline dans ce cas) qui, en général, confère des propriétés (mécaniques dans ce cas) bien différente des celles des constituants eux-mêmes [2].

Si la connaissance d’un phénomène en physique est de ce type, on voit qu’il ne va pas être simple de reconnaitre et d’en extraire, ce qu’on peut considérer comme la réalité physique, car elle peut en avoir des apparences très différentes.

Au caractère objectif (universel) d’un événement « physique » doit être associé un concept universel.

Minkowski déclarait que le temps et l’espace, inhérents à notre conscience, n’ont pas de réalité physique car, pour un même phénomène « physique »[3], les mesures de temps et d’espace (la contrepartie expérimentale du formalisme[4]) faites par différents observateurs sur ce phénomène ne coïncident pas.

A contrario, le calcul de l’espace-temps (le ds², fait avec les données expérimentales de temps et d’espace ) relatives au même phénomène , seront concordantes pour tous les observateurs.

Notons que c’est par référence à un principe, formel et structurel entre universalité du phénomène physique et l’universalité de sa mesure expérimentale, que Minkowski se fonde pour attribuer un caractère physique à l’espace-temps, au motif qu’un phénomène « physique » a un caractère objectif (entité unique) et ne dépend pas de la manière dont il est observé et mesuré.

Ce principe formel associant à quelque chose d’universel (le phénomène physique) un concept formel universel (l’espace-temps pour sa mesure expérimentale) est nécessaire, mais rien ne prouve qu’il soit suffisant.

Quelle distorsion entre la réalité et phénomène?

Cela doit dépendre du phénomène considéré. Pour le mésocosme (à l’échelle de nos activités terrestres), la distorsion est faible : ainsi l’espace-temps ne se manifeste pas dans les activités ordinaires [5]) et les concepts de temps et d’espace réputées n’être que des ombres de l’espace-temps sont en général suffisantes et adaptées au quotidien.

Il en est tout autre dans le microcosme, comme la mécanique quantique et la théorie des champs quantiques en témoignent, où il a fallu inventer un formalisme pour le décrire et dont les résultats sont parfois difficiles à interpréter.

Il est certain, qu’à cette échelle, nous ne sommes plus quantité négligeable et que ceci être pris en compte.

Cette tâche, objet d’une littérature abondante, qui, si elle a permis de dégager des idées innovantes, n’a pas tout à fait permis un consensus, déborde du cadre de cet article qui se veut général.

Rendre la connaissance intemporelle?

Si, par exemple, écrire le résultat sur un support papier pour l’archiver (au moins un certain temps) semblerait indiquer qu’on peut le détacher de la contrainte temporelle, pour qu’il soit utile une autre conscience, qui veut se l’approprier, va passer par le même mécanisme d’acquisition de la connaissance (lire et comprendre le résultat mobilise temps et espace).

L’archivage apparait comme une fonction « pause » sur une description.

Notre empreinte cérébrale liée à la connaissance en fait partie

Selon cette approche, la science porterait sur la connaissance qu’on a du monde plus que sur une description « objective » du monde, ce qui implique que notre « empreinte cérébrale » fait partie du phénomène.

Notes

[1] Le monde des idées de Platon décrit une supposée réalité.

[2] Le duralium, aussi appelé duralumin, est un alliage à base d’aluminium (95 %), de cuivre (4 %), de magnésium (0,5 %), composé de métaux de faible résistance mécanique, a une résistance mécanique de l’ordre de celle l’acier doux.

[3] Phénomène est pris au sens large. Ce peut être l’espace-temps entre 2 événements (apparition de 2 supernovas en 2 points spatiotemporels de l’univers) dont on mesure le temps et l’espace (les ombres) qui les sépare pour définir l’intervalle d’espace-temps.

A noter que certaines mesures (par exemple faisant intervenir des géodésique nulles pour la lumière)se rapportent à des éléments spatiotemporels nativement.

[4] La physique est une science expérimentale. La théorie doit pouvoir être validée ou invalidée expérimentalement.

[5] A part le GPS pour des mesures de précision, la relativité n’est pas invoquée. Par contre, en astronomie et cosmologie elle est incontournable.