Position du problème
L’utilisation d’entités représentées par des nombres imaginaires peut paraître incompréhensible en physique ou tout au moins bien étrange.
La physique étant une science expérimentale, à savoir sa formulation théorique, quelle qu’elle soit, doit faire l’objet de vérifications expérimentales pour valider son adéquation au monde physique auquel on attribue une « réalité » physique.
Ces vérifications portent sur des « observables » qui peuvent être des scalaires, des vecteurs, etc., auxquelles une valeur (mathématique) « réelle » est attribuée.
Les nombres complexes dans la physique moderne
Si la physique classique a pu recourir de manière opératoire intermédiaire (à la fin des calculs on retrouvait des valeurs réelles) , aux nombres complexes, (pour des problèmes de déphasage de courant électrique par exemple), en physique moderne elles ont pris une dimension bien plus fondamentale.
Cas de la relativité
Déjà en relativité restreinte, dans la métrique généralement utilisée (c est la vitesse de la lumière)
ds² = -c²dt² +dx²+dy²+dz² (1)
on voit que si on considère les entités dt, dx, dy, dz il faut considérer en fait, i.c.dt pour obtenir cette expression fondamentale . Multiplier par c qui pourtant satisfait à l’homogénéité au niveau dimensionnel ne suffit pas.
Cela est lié au fait, que d’un point de vue physique le temps et l’espace sont manifestement de nature différentes. Si on considère l’espace « réel » alors le temps est imaginaire (et vice-versa, on pourrait considérer le temps réel et l’espace imaginaire, le choix de l’espace réel est conventionnel). Restons sur l’hypothèse de l’espace réel.
Signification physique d’un temps imaginaire
Quelle signification physique donner au caractère imaginaire à un temps imaginaire? La question ainsi posée ne possède pas vraiment de réponse clairement conceptualisable.
Le caractère imaginaire du temps n’est pas une propriété intrinsèque du temps mais une propriété relationnelle avec l’espace : c‘est dans sa relation avec l’espace, que la signification du caractère imaginaire prend tout son sens.
Dans les manipulations mathématiques, cette relation entre temps et espace va conduire à des résultats qui, eux, vont être conceptualisables.
Il faut donc considérer la relation « imaginaire » comme représentant leur relation formelle, même si cela est difficile à conceptualiser.
L’espace-temps est la clé du mystère
Si nous ne comprenons pas bien cette relation c’est que nous n’abordons pas correctement le problème.
La relativité (restreinte et générale) est une théorie de « l’espace-temps », seule entité ayant un caractère physique alors que, comme Minkowski l’a déclaré, l’espace et le temps n’en sont que des ombres (référence à l’allégorie de la caverne de Platon)
Temps et espace, ne sont que des ombres (des fictions) et à ce titre des caractères de type non physiques peuvent très bien leur être attribués sans que cela nuise à la cohérence du développement.
Traiter le problème directement en espace-temps
Par un changement de coordonnées on peut transformer les coordonnées t, x, y, z en coordonnées nulles u, v, w, w* qui ne sont ni de type espace ni de type temps mais de type espace-temps. Le ds² s’écrit alors:
ds² = du.dv +dw.dw*
une forme homogène en espace-temps.
Cette forme est structurellement plus adaptée au traitement de la relativité. Le formalisme de Newmann-Penrose en est un exemple probant. Le traitement des trous noirs de la famille de Kerr s’en trouve simplifiée.
Special relativity in Newman-Penrose Formalism 11/26/22
Peut-on conceptualiser l’espace-temps?
Comme son apparence, dans nos conditions habituelles, n’est pas vraiment visible, même si sa formulation mathématique ne pose aucun problème, sa conceptualisation par notre esprit, façonnée par les concept de temps et d’espace, n’est pas naturelle. Il faut faire violence à notre esprit pour tenter l’entreprise.
Mais alors, nous avons remplacé un problème par un autre, où est le progrès?
La voie du progrès
Simplement, le progrès est dans la voie que nous montrent les mathématiques, pour poursuivre notre effort d’analyse. Ne nous acharnons pas sur piste stérile, concentrons nos efforts sur une piste prometteuse. Si nous réussissons nous aurons accompli un grand pas qui nous ouvrira peut-être la voie vers une meilleure compréhension de l’univers et de nous-mêmes.
Les nombres complexes en mécanique quantique
La fonction d’onde est de type « imaginaire »
La fonction d’onde, qui est l’élément fondamental utilisé dans la description et les calculs en mécanique quantique, est de type « imaginaire ». Pas question dans ces conditions de lui accorder un caractère physique. C’est son module, construit en la multipliant la fonction d’onde avec sa conjuguée qui fournit une grandeur physique: la probabilité d’obtenir l’état associé à cette fonction d’onde.
Certains opérateurs fondamentaux sont de type imaginaire
Dans le formalisme, voir la première partie de:
Cours mécanique quantique Cours de théorie des champs quantique
l’usage des nombres complexes (par exemple les opérateurs de dérivée partielles hermitiens, ih ∂/∂t, h/i ∂/∂x= px, sont imaginaires) est prégnante et son interprétation physique est riche d’enseignements!
On passe de la mécanique classique à la mécanique quantique en substituant aux grandeurs physiques des équations classiques, les opérateurs associés à ces grandeurs physiques et en les faisant agir sur la fonction d’onde imaginaire.
Ainsi le hamiltonien classique d’une particule représentant son énergie totale, qui est la somme de son énergie potentielle et de son énergie cinétique, exprimée en fonction des ses coordonnées et de leurs dérivées par rapport au temps, se transforme en l’équation de Schrödinger de la mécanique quantique en appliquant ce procédé.
Soulignons que Heisenberg a développé indépendamment, sur un autre paradigme (ignorer tous les concepts classiques et ne traiter que des observables), une approche de type matricielle qui s’est révélée équivalente à celle de Schrödinger. Là encore, d’analyser comment 2 approches qui semblaient indépendantes aboutissent aux mêmes résultats est un sujet de réflexion enrichissant notre interprétation de cette théorie.
Cela s’applique à la mécanique non relativiste et à la mécanique relativiste, auquel cas, il faudra prendre le hamiltonien relativiste qui conduira à l’équation de Dirac.
•L’association des opérateurs aux grandeurs physiques peut paraître conventionnelle. En fait elle traduit une implication profonde sur la relation entre la nature de l’énergie avec le temps et de la quantité de mouvement avec l’espace.
•L’énergie, associée à la variation d’une grandeur par rapport au temps, donnée par la relation ih ∂/∂t= ε, éclaire (de manière relationnelle) la nature de l’énergie et du temps.
•On peut dire que l’énergie est la matérialisation de l’évolution temporelle: pas d’écoulement du temps (physique) sans « transfert » d’énergie et, réciproquement, c’est le temps qui permet et « comptabilise » ce transfert.
•Temps et énergie apparaissent comme deux aspects d’une même entité .
•De même la quantité de mouvement associée à la variation d’une grandeur par rapport à l’espace, donnée par la relation h/i ∂/∂x= px , éclaire de manière relationnelle la relation entre la quantité de mouvement et l’espace. La quantité de mouvement apparaît comme la matérialisation de l’espace.
•A noter la différence de nature structurelle (pour l’énergie l’opérateur ih ∂/∂t contient un terme i.
Pour la quantité de mouvement, associée à l’espace, on a bien un terme 1/i, mais le terme h/i ∂/∂x= px , étant utilisé au carré dans l’équation (-h2 ∂2/∂x2= px2), l'espace a un caractère réel.
On retrouve ici ce que la relativité formalise dans la signature de la métrique de l’espace-temps, où le signe associé au temps et celui à l’espace sont opposés. Ce sont ces relations que la relativité intègre de manière plus épistémologique en les synthétisant dans sa structure spatio-temporelle, ceci confortant ce que nous avons développé au chapitre sur la relativité.
Théorie des champs quantiques
Nous ne développerons pas ce chapitre dans cet article, mais nous vous renvoyons à la deuxième partie de:
Cours mécanique quantique Cours de théorie des champs quantique
Cette théorie qui s’appuie sur la théorie des groupes montre, comment de manière ultime, les mathématiques sont le moyen d’appréhension le plus puissant de notre esprit.
On pourra noter, dans le document cité, comment le champ électromagnétique surgit de nulle part comme une nécessité pour rendre cohérente (vis à vis de ses symétries) la phénoménologie du champ électrique…