Paradigme, essence, existence, création (02/06/22)

Table des matières

Le Mystère de l’existence. Objet de la mise à jour. Motivation de la réflexion. Position du problème. Une conception newtonienne. L’impasse d’une telle conception. L’éternité comme solution ? L’espace-temps relativiste. L’existence plutôt que la création. Quand une difficulté peut être un atout. Cerveau et pensée. Le point de vue matérialiste. Éléments de philosophie de Platon : L’essentialisme, L’essence précède l’existence. Allégorie de la caverne. Le paradigme. Existentialisme. Seule l’existence de l’univers a un sens ? Paradigme pour une création ? Définition du mot  « création ». Un exemple de création ? Et l’histoire de l’univers ? Notre position dans l’univers : contrainte ou solution ? Cet exemple peut-il être un paradigme pour la quête de notre existence ?

Paradigme, essence, existence, création (02/06/22)

Objet de la mise à jour

Correction et sommaire.

Motivation de la réflexion

La science « classique » s’appuie sur des concepts de temps et d’espace qui nous apparaissent comme inhérents à la nature du monde et à la manière dont nous l’appréhendons (données immédiates de notre conscience). A ce titre ils sont le cadre naturel et nécessaire de sa description et de sa compréhension. Pourtant les théories modernes nous montrent qu’il n’en est rien.

La relativité nous montre que temps et espace doivent être abandonnés comme concepts fondamentaux au profit d’un concept plus synthétique « l’espace-temps » dont espace et temps sont réduits « au mieux » à n’en être que des ombres.

La mécanique quantique au-delà de la mutilation de notre entendement lié à l’abandon du déterminisme, mais peut-être en relation avec cela, nous présente un monde étrange, dont on ne peut pas vraiment donner une interprétation cohérente.

La difficulté est que notre esprit fonctionne dans l’espace et le temps, ce qui est sans doute la cause de tous ces tourments, et que quand nous faisons des efforts méritoires pour s’en abstraire, temps et espace sont trop souvent sous-jacents sans que nous en ayons toujours conscience.

Le but de cet article est d’essayer de donner des éléments de réflexion et surtout d’inciter à la réflexion, car une telle tâche nécessite une coopération des esprits, pour tenter de briser ce carcan qui voile la nature intime de la nature et, en conséquence, celle de notre propre nature.

On prend conscience de la difficulté de la tâche, puisque c’est notre propre nature qui doit elle-même s’analyser et se déterminer.

L’espoir, cependant, réside dans le fait, qu’en tant d’élément de la nature au sens le plus général, l’univers dans son extension la plus globale du microscopique au macroscopique, nous pouvons par observation de cette nature (qui nous est « extérieure ») en apprécier certaines caractéristiques.

Il faut donc utiliser comme paradigmes (voir la définition dans un chapitre ultérieur) les propriétés étranges des théories modernes pour nous guider dans notre quête.

Position du problème

Lorsque nous nous interrogeons sur l’existence de l’univers et de notre existence qui, comme le récit cosmologique le montre semble accessoire dans le développement de cet univers, notre attitude est de s’étonner que quelque chose existe plutôt que rien. L’option par défaut ou de départ (ce qu’on appelle communément les conditions initiales) qui fournit le cadre de notre pensée est : Rien n’existe.  On considère alors l’existence de l’univers, rendant possible la nôtre, comme une création qui va survenir mystérieusement !

Une conception newtonienne

Cette approche qui ferait survenir cette création en un lieu et à un temps précis, dénoncée par J. Peebles (Nobel 20019) est typiquement de type newtonien où des structures de temps et d’espace sont présupposés préexistera à la création pour qu’on puisse faire une telle hypothèse. C’est typiquement une approche de type newtonien où temps et espace sont considérés comme les données immédiates de notre conscience de caractère divin ou quasi-divin.

L’impasse d’une telle conception

Ce type de raisonnement mène à une impasse puisque même la création , dont le concept implique, en général, un moment et un lieu pour cette création, suppose l’existence préalable d’un temps et d’un espace. Donc, il faut alors se poser le problème de l’existence d’un prédécesseur à cette création et ainsi de suite….

Dans certains cas, on suppose un vide qui ne serait pas « rien ». Le vide quantique, par exemple, auquel on prête des propriétés physiques, permettrait un univers qui résulterait d’une « dissociation » de ce vide en 2 entités symétriques comme la matière et l’antimatière, voire univers / anti-univers.

Cette conception, qui constitue malgré tout une avancée, car manifestement ce type de symétrie est fondamental dans l’univers et nos théories s’en sont emparées pour décrire, avec un certain succès, sa nature physique.

D’ailleurs ce sont d’infimes défauts dans cette symétrie, que nos théories ont du mal à expliquer, qui ont donné naissance à notre univers tel qu’on le connait.

Cette hypothèse, ne résout pourtant pas le problème de l’existence de ce vide quantique « entité primordiale » pouvant être dissociée et la raison de cette dissociation, à supposer que ces propos aient un sens.

En effet se pose le problème de l’existence du vide quantique, l’entité primordiale qui, comme toute chose dans notre approche newtonienne soit, existait de tout temps soit, résulte d’autre chose par un événement daté et localisé dont il faut expliquer l’existence, soit a été créé ex-nihilo mais dans une structure spatio-temporelle dans cette approche.

On reboucle à l’infini sur la même problématique de l’existence éternelle ou de celle du prédécesseur.

L’éternité comme solution ?

Quid d’un caractère d’éternité, soit à l’univers soit à ces prédécesseurs éventuels? Oublions un instant que l’éternité fait intervenir l’infini, ce qui la fait considérer comme non physique.

Dans notre conception newtonienne comment dater un événement dans un contexte d’une entité éternelle où tous les points se valent et comment concevoir une orientation (une flèche du temps) qui suppose de briser cette « symétrie ». Une droite infinie peut-elle être orientée dans un contexte où seule cette droite existe. Notre conception intuitive de l’éternité n’est pas celle qu’on peut mathématiquement définir. Nous la faisons partir du présent et prolongeons notre ligne d’univers vers le passé et l’avenir ce qui définit aussi une orientation. Ce sont des concepts différents.

Une création ne peut donc pas être localisée dans l’éternité. Une droite, devient deux demi-droites. Reste aussi à résoudre le problème de la création de l’orientation du temps qui pourrait en résulter. La création, par exemple par dissociation d’une entité éternelle, créé-t-elle une origine et une orientation, en brisant une symétrie.

Cette hypothèse n’est pas sans poser de problème. Qu’est-ce qui dans une entité éternelle pourrait bien briser une symétrie « éternelle » par exemple, pourquoi, quand où et comment. Si on ne sort pas de notre logique newtonienne de temps et d’espace, l’issue parait problématique.

L’espace-temps relativiste

Plutôt qu’une création, posons-nous le problème de l’existence d’une entité espace-temps-matière-énergie. C’est l’approche relativiste confortée par sa description mathématique reposant uniquement sur elle-même. Tous les éléments nécessaires à sa description sont contenus dans cette entité. Elle n’a besoin d’aucun élément extérieur à elle-même pour exister et se décrire.

De ce fait, une création à partir d’autre chose n’a rien d’indispensable car il ne serait qu’accessoire. On est même en droit de se demander, puisque aucun élément extérieur n’est requis, si le concept de création, inutile dans ce contexte, a un sens.

Ceci est un progrès considérable, et si on veut aller plus loin dans notre connaissance de l’univers et de nous-même, il faut abandonner les concepts de temps et d’espace (ombres de l’espace-temps, nous y reviendrons) et s’appuyer sur ce concept d’espace-temps qui procède d’une synthèse profonde.

L’existence plutôt que la création

En effet se poser le problème de la création, c’est prendre le problème à l’envers, car la donnée initiale, le fait établi, c’est l’existence de notre pensée, donc de nous-mêmes, ce qui implique celle de l’univers. C’est donc à partir de ce fait établi que notre raisonnement doit s’exercer et pas en vertu de schémas anthropomorphiques, inspirés de notre expérience de la vie courante, s’appuyant sur notre perception de l’espace et du temps conçus, dans ce contexte, comme des données immédiates de notre conscience.

La difficulté vient du fait que la relativité générale, théorie fondatrice de la cosmologie, stipule que seul l’espace-temps, pour lequel notre entendement n’a aucune expérience car sa manifestation à notre échelle est imperceptible, a un sens physique.

Rappelons que, pourtant dès 1907, Minkowski avait souligné, dès la relativité restreinte et c’est aussi vrai en relativité générale, inspiré sans doute par l’allégorie de la caverne de Platon, que l’espace et le temps, séparément, n’ont aucun caractère physique et sont réduits à n’être que des ombres de l’espace-temps qui est la seule réalité physique !

Quand une difficulté peut être un atout

Avec nos conceptions ancrées dans notre esprit d’espace et de temps, cadres fondamentaux et essentiels de notre existence et de notre intellect, le fait que nous ayons découvert, par l’observation de la nature et l’élaboration de théories pour la décrire, la relativité en l’occurrence pour l’espace-temps, que ces concepts inhérents à notre être n’étaient que des ombres d’un entité plus complexe est une avancée spectaculaire.

Par rapport aux prisonniers de la caverne de Platon qui observaient les ombres et cherchaient à les interpréter, nous sommes allés plus loin. Nous avons découvert une structure plus synthétique qui génère ces ombres. Nous sommes allés au delà des concepts les plus fondamentaux de notre pensée en les remettant en cause ce qui semblait inimaginable.

En mécanique quantique également l’ingéniosité mise en œuvre pour élaborer une théorie qui décrivait correctement la nature dans ses éléments ultimes et qui semblait bafouer les convictions les plus fondamentales de notre raison nous montre comment notre esprit a surmonté ses limites.

Il reste sans doute du chemin à faire, mais ceci nous autorise à espérer aller encore plus loin, en délaissant les concepts que nous jugions primordiaux de temps et d’espace, bien utiles au quotidien mais inadaptés pour comprendre l’univers, que ces nouvelles théories ont balayé et en intégrant les progrès qui nous ont apportés pour nos réflexions futures.

Comme l’alpiniste cherchant à atteindre l’Everest, nous ne partons plus du pied de la montagne nous avons maintenant un camp de base sur elle, et c’est de ce camp de base qu’il faut partir si nous voulons aller plus haut.

Cerveau et pensée

Comme la neurologie moderne le montre, il faut se méfier de notre cerveau qui, en fait, élabore des structures mentales à partir de ce qu’il a appris dans son expérience quotidienne pour tenter de procurer les solutions les plus adaptées aux différentes situations auxquelles nous sommes confrontés. Ainsi, nos belles constructions intellectuelles pourraient simplement relever de nos habitudes de pensée, avec toutes les limites que cela implique.

S’il ne faut pas le dévaloriser il ne faut pas non plus le sacraliser. Sa redoutable efficacité vient de sa flexibilité vis à vis de l’acquisition et du traitement des données relatives aux phénomènes auxquels il a été confrontés. C’est cela qui a permis l’élaboration de théories qu’on aurait pu juger irréalistes dans le passé.

Sachons alors ne pas le brider au motif de considérations qu’il nous présenterait comme rédhibitoires.

La difficulté que nous éprouvons c’est que ce bel organe s’est plutôt développé comme un coordinateur de travaux d’intendance pour assurer les fonctions vitales à partir son expérience dans le monde dans lequel nous vivons où nous ne rencontrons pas les spécificités des théories modernes et qu’il éprouve donc des difficultés à se les représenter.

Mais là encore, sa flexibilité lui permet de construire des structures mentales sophistiquées, ne serait-ce que pour améliorer son efficacité dans ses tâches organiques, sophistication dont peuvent bénéficier des travaux plus abstraits (La réciproque est également vraie). Donc il y a des raisons d’espérer que l’histoire n’est pas finie, si la sagesse l’emporte sur la folie humaine.

Le point de vue matérialiste

D’un autre point de vue (réductionniste), nous sommes des « assemblages » particuliers d’atomes. Il peut déjà paraître paradoxal qu’un « assemblage d’atomes » puisse décrire avec un certain succès son constituant élémentaire, même si cette description présente une phénoménologie plutôt surprenante et incompréhensible par certains aspects, ce dont il ne faut pas s’étonner.

La question qui vient à l’esprit est « comment » cette possibilité nous est conférée (à nous, assemblages d’atomes). Ce doit être propriété des atomes eux-mêmes qui par la structure complexe des couches électroniques autorisent une grande variété de combinaisons. Et comment, de la possibilité on arrive à la réalisation, sous contrainte du milieu extérieur au sens général, car manifestement nous sommes une entité. Ce point de vue est développé dans le livre.

Après ces quelques généralités venons-en à l’histoire de quelques fondamentaux sur le sujet.

Éléments de philosophie de Platon : L’essentialisme,

L’essence précède l’existence.

Platon définit les essences ou idées qui sont les formes intelligibles éternelles et parfaites, archétypes et modèles des choses sensibles qui, elles, sont appréhendées par les phénomènes, dans notre monde physique, qui n’en sont que les reflets instables et imparfaits. Ce sont ces idées qui donnent un sens aux phénomènes, en particulier qui définissent les lois de la nature..

Allégorie de la caverne

Platon illustre ses arguments en décrivant une situation où des prisonniers dans une caverne ne voient que les ombres, projetées sur le mur de cette caverne, du monde extérieur. Peuvent-ils imaginer que ce ne sont que des ombres de quelque chose de plus complexe (les idées) et les reconstruire à partir des ombres ou en sont-ils réduits à considérer ces ombres comme la réalité ? Si un prisonnier prétend que ces ombres sont la seule réalité existante, peut-on prouver qu’il a tort ?

Dans cette description, la caverne représente le monde sensible où nous vivons et les ombres sont les phénomènes tels que nous observons. Le monde extérieur est le monde parfait des idées.

Ajoutons alors que la « réalité » platonicienne dont ne voyons que des ombres peut mettre en œuvre des concepts que nous ne connaissons pas et dont nous n’avons aucune idée, battant éventuellement en brèche nos habitudes de pensées. Ainsi, la quête de la création, qui nous tourmente tant, n’a pas forcément cours pour la réalité. Même si cela choque notre entendement, il ne faut pas perdre de vue ces possibilités.

A noter que l’objectif de Platon n’était pas de dire ce qu’il  pensait lui-même, quelles étaient les réponses qu’il avait données aux questions les plus fondamentales sur ce que veut dire « être un homme », mais de leur apprendre à penser par eux-mêmes afin de trouver leurs propres réponses à ces questions, car il savait qu’en la matière, pas plus lui que nous n’aurions jamais de réponses définitives et que chacun devait construire sa vie et la vivre selon la devise de Socrate : « Connais-toi toi-même »

Le paradigme.

Le paradigme est ce que l’on montre à titre d’exemple, ce à quoi on se réfère comme à ce qui exemplifie une règle et peut donc servir de modèle. Chez Platon, il a un sens pédagogique : le paradigme est l’objet « facile » sur lequel on s’exerce avant de traiter d’un objet ressemblant au premier, mais plus difficile. Bachelard illustre cela en soulignant que la pensée est essentiellement inductive, elle lit le complexe dans le simple, la loi dans l’exemple.

Existentialisme

La notion d’existence en philosophie a connu un essor fondamental grâce à Kierkegaard au 19ième siècle puis, au 20ième siècle, avec Merleau-Ponty et Sartre, selon où, a contrario de Platon, l’existence précède l’essence. L’existence ne se déduit pas, elle se constate, elle s’éprouve :

 Sartre : « … par définition, l’existence n’est pas la nécessité. Exister, c’est être là, simplement ; les existants apparaissent, se laissent rencontrer, mais on ne peut jamais les déduire ». L’essence, alors se construit dans l’existence.

Si cette philosophie a été développée essentiellement pour traiter de l’existence de l’humain, compte tenu que notre existence et celle de l’univers sont indéfectiblement liées, il est intéressant de la considérer aussi dans ce cadre.

Seule l’existence de l’univers a un sens ?

Comme le succès du modèle de Big Bang, supposant une création de l’univers, le montre, l’assertion « seule l’existence de l’univers a un sens » choque nos habitudes de pensée.

Pourtant, une création ne pose pas moins de problème que celui de l’existence, car on peut se demander comment quelque chose peut émerger spontanément ?

Rappelons que le vide quantique n’est pas rien, il fait donc partie de l’univers donc, si création il y a, il fait partie de la création. Un univers éternel n’est pas non plus une bonne solution, car l’éternité, qui ne permet pas de situer un point de manière univoque, n’est pas un concept physique.  

Ceux qui s’intéressent à un avant Big bang ne font que reporter le problème de l’existence de ce qu’il y avait avant.

Toutes ces hypothèses reposent sur une vision extérieure de notre univers et un temps et espace extérieur dans lequel il se situerait. En fait, en relativité, temps et espace n’existent pas, car seul l’espace-temps, résultant de l’équation d’Einstein, existe et de plus la perception et la connaissance que nous en avons est de l’intérieur.

Comme nous l’avons développé dans le livre, l’espace- temps défini par la relativité générale n’a besoin de rien d’autre que lui-même pour exister et inférer toute la phénoménologie que nous constatons de l’intérieur de l’univers où nous sommes et dont nous faisons partie.

L’existentialisme parait alors la philosophie la plus appropriée pour décrire nos rapports avec cet univers.

Paradigme pour une création ?

Le but des arguments développés précédemment à propos de notre existence impliquant celle de l’univers [1] est de faire un état objectif d’une situation physique. Ils laissent pourtant dans notre esprit un sentiment d’insatisfaction voire de frustration, car ils ne traitent pas le problème de l’origine de cette existence. Ce problème d’origine ( la création) ne peut pas faire abstraction d’une part de métaphysique.

Définition du mot  « création »

Avant toute chose, commençons par préciser le concept de « création ».

On appelle « création » le fait que quelque chose apparait spontanément (sans cause apparente), quelque part, alors qu’elle n’existait pas avant ! On voit que si on applique cette définition à l’univers, cette définition fait référence à un espace (lieu où apparaît la création) et à un temps orienté (avant, au moment où cette création intervient, après).

Ceci suppose un espace et un temps préexistant de référence, qui sont en général un cadre, à minima, muni simplement des éléments essentiels à son existence, qui implicitement serait éternel, car sinon il faudrait aussi expliquer sa création. C’est une approche manifestement newtonienne, où temps et espace sont indépendants et éternels.

Mais, surtout, cette approche est fondamentalement incorrecte, car ce qu’on doit considérer c’est un espace-temps qui est un concept plus synthétique que ceux d’espace et de temps, qui n’en sont que des « ombres « (dixit- Minkowski qui se référait sans doute à l’allégorie de la caverne de Platon) [2]. L’idée de Platon est que, comme la réalité (l’objet réel) est d’une nature fondamentalement plus synthétique que ses ombres, vouloir la définir extensivement par ses ombres est impossible !

Une question qui se pose alors est : peut-on concevoir la « création » d’un espace-temps avec la définition que nous avons donnée de la création (dont le concept relève d’un espace et d’un temps indépendant) ?

La réponse est manifestement qu’on ne peut pas ! Les outils conceptuels associés au concept de « création », que nous utilisons, sont inappropriés pour traiter ce problème. Il faut chercher ( et trouver ?) autre chose, chercher un autre paradigme.

Un exemple de création ?

Sans que cela préjuge de la création de l’univers essayons de trouver un exemple de création correspondant à la définition que nous avons donné. Concernant notre propre existence. Avant notre conception nous n’existons pas. Mais notre naissance, qu’on peut considérer comme une création d’un nouvel être, ne part pas de rien. Notre corps avait tous ses constituants déjà présents avant dans la nature, c’est un arrangement de ces constituants et un développement selon un schéma relié à notre ADN qui va être opéré. Ce n’est pas une création « ex nihilo ». De la matière génère de la matière, même si cette dernière est réputée plus organisée (il y a eu une abondante littérature là-dessus, notamment invoquant l’entropie). Par contre notre intellect qui fait de nous un individu unique, indépendant et surtout conscient de bien être tout cela, semble émerger « ex nihilo », car c’est une propriété d’une autre nature qu’on peut estimer plus synthétique que la matière, en particulier la conscience [3] qu’on n’arrive pas à interpréter par une approche strictement matérialiste et réductionniste.

Comme notre définition du paradigme (un modèle formel pour nous guider à appréhender un problème) nous le propose, l’exemple cité est un schéma qui, à condition qu’on le considère bien comme un paradigme, donc sans le réduire à l’exemple, peut nous mener à une réflexion constructive sur le sujet.

Et l’histoire de l’univers ?

L’histoire de l’univers ressemble beaucoup à notre histoire. Ce n’est pas surprenant puisque faite par des humains, un caractère anthropomorphique est toujours sous-jacent. Donnons en quelques éléments.

Dans une analyse « réductionniste » de l’univers dans sa faculté d’avoir produit des humains comme nous, nous trouvons la même chose.

Fondamentalement, de la matière et des interactions vont exister.

Notons que les théories supersymétriques se proposent d’unifier les deux. En effet de l’énergie par exemple peut être portée par des interactions comme par la matière. Par exemple, les médiateurs quantiques de l’électromagnétisme, les photons peuvent provenir de l’annihilation matière – antimatière et vice-versa.

On voit qu’un élément important est la symétrie. Le vide quantique, par exemple, ne génère pas de matière seule, mais toujours des paires matière antimatière, une particule avec son anti-particule qui vont s’annihiler rapidement dans le cas.

Pourquoi alors y a-t-il de la matière et des photons, par exemple, et pas seulement que des photons ou que de la matière.

C’est une longue histoire où, en gros, disons que les interactions (entre les différents constituants), au nombre de 4, en incluant la gravitation qui fournit la logistique (grandes structures, habitat et énergie) vont intervenir.

L’interaction forte va lier des quarks pour en faire des particules (des protons et neutrons entre-autres), l’interaction faible va leur permettre de changer de nature, d’autres particules comme l’électron par exemple sont élémentaires, etc. L’électromagnétisme est la source de la complexité qui permettra le vivant dans les atomes possédant des noyaux constitués de protons et neutrons avec un cortège d’électrons.

Ces interactions sont l’ADN de l’évolution de l’univers dans le schéma classique du modèle standard de la cosmologie, où un scénario va dérouler pour arriver à produire des êtres comme nous.

Comme pour notre naissance, il y a un contexte où il y a les briques (la matière) et les plans via les interactions (qui jouent un rôle d’ADN) qui régissent l’évolution pour que nous apparaissions.

Ce schéma est ultra-simpliste, bien des paramètres ne sont pas évoqués, mais montre une similitude. Concernant l’existence de l’univers le modèle standard parle d’une création « big bang » et d’une évolution, mais on peut tout aussi bien imaginer et développer une démarche alternative que comme l’univers est un espace-temps seule son existence un sens, ce qui est plus conforme à la relativité générale, l’équation d’Einstein définissant un espace-temps.

Ce débat reste ouvert faute d’arguments convaincants de part et d’autre. Un beau sujet de réflexion et un défi à la capacité de l’esprit de se dépasser pourrait en résulter.

Notre position dans l’univers : contrainte ou solution ?

Un point essentiel à prendre en compte dans notre réflexion est que, étant une partie de l’univers, notre analyse, nos théories et les vérifications qu’on pourrait en faire, s’exercent de l’intérieur. L’exemple de notre galaxie (la Voie Lactée), illustre comment le fait d’être à l’intérieur d’un objet en complique la connaissance. En effet, autant la forme de nos galaxies voisines nous apparait clairement dans nos télescopes, autant celle de notre galaxie est trompeuse (une trainée blanche sur la voûte céleste).

Rappelons que ce que nous voyons dans le ciel nocturne est la projection sur une surface sphérique à 2 dimensions (la voute céleste) où nous voyons les étoiles, entre autres, que nous repérons par des coordonnées angulaires. La distance des objets ne nous est pas accessible directement. C’est en utilisant des propriétés physiques des objets célestes, dont nous connaissons certaines caractéristiques, que nous appréhendons la distance. Ainsi pour la voie lactée, où nous sommes dans un « bras », c’est en observant des surdensités statistiques (qu’on attribue à notre galaxie) dans les relevés d’étoiles sur la voûte céleste que nous en estimons sa forme et ses dimensions.

L’exercice est assez acrobatique, comme en témoigne les nombreuses corrections des résultats au cours du temps, mais cela se révèle utile.

Cet exemple peut-il être un paradigme pour la quête de notre existence ?

Comme, concernant notre réflexion sur notre existence et celle de l’univers, nous sommes dans la même situation, (à l’intérieur), cette approche doit nous inspirer dans notre quête. C’est certainement de l’intérieur qu’il faut donc construire notre réflexion, d’autant que, répétons-le, les vérifications éventuelles de nos hypothèses se peuvent se faire que de l’intérieur.

Paradoxalement, si on adopte ce point de vue consistant à considérer l’univers depuis notre position et son contexte, au présent, la cosmologie moderne nous montre alors que notre passé n’a pas de limite et que la singularité dans cet espace-temps, communément considérée comme de début de l’univers, appelée « big-bang », est rejetée à l’infini de notre passé, donc inaccessible à nos instruments, aussi performants qu’ils puissent être [4].

Comme l’infini est un concept qui n’a pas de réalité physique, on assiste à une sorte de « censure » de la nature lorsqu’on lui pose des questions essentielles.

Ceci, qui n’est sans doute pas fortuit, est à rapprocher de ce qu’on appelle la « censure cosmique » où la nature emprisonne sous un horizon étanche les singularités de la physique (les singularités des trous noirs par exemple) pour confiner leur nuisance et permettre ainsi de disposer d’une physique raisonnable presque partout. Le point remarquable est que dans ce dernier cas (le trou noir) nous ne sommes pas à l’intérieur (sous l’horizon, où la situation est assez inconfortable, si on en croît la théorie) mais « à l’extérieur » de l’horizon. Un mystère en cacherait-il un autre ?

Ce qui est indéniable, c’est que de ces deux types de censures semblent incontournables, ce qui semble ruiner toute chance de réponse aux questions qu’elles éludent.

Face à cela, nous pouvons considérer, soit que ces questions n’ont pas de sens, ce que la nature nous ferait comprendre en éludant toute possibilité de réponse, ce qui se traduirait par des limites claires à notre pensée, soit, bien que notre pensée ait certainement des limites, que nous n’abordons pas le problème correctement et que des avancées sont encore possibles. Comme dans d’autres domaines scientifiques (relativité, mécanique quantique) nous avons réussi à surmonter des difficultés qui paraissaient, a priori, insurmontables à notre entendement, tout espoir de surmonter ou de contourner ces contrariétés, pour aller plus loin, n’est pas perdu !

Notes

[1] L’ordre est voulu. C’est parce que nous pensons l’univers que nous développons ces théories. Comme déjà indiqué, ne pas prendre en compte celui qui pense l’univers dans sa description ne peut conduire qu’à une analyse incorrecte.

[2] S’il est difficile pour notre esprit de se représenter un espace-temps hyperbolique, à 4 dimensions, tel que modélisé dans le cadre de la relativité générale, sa description mathématique qui est très précise nous indique qu’il est totalement « autonome » et auto-descriptif. Par là on entend qu’il n’a besoin de rien d’autre que lui-même pour exister et être décrit. En particulier, il n’a pas besoin d’être inclus dans quelque chose d’autre pour exister, ce qui a pour conséquence que tous les outils mathématiques utilisées pour sa description sont « internes ».

Par exemple on peut définir la courbure d’une surface sphérique, bien connue, à deux dimensions par des équations qui ne font référence qu’à deux dimensions (courbure de Gauss- courbure intrinsèque) ou par le rayon de la sphère qui fait référence à la sphère à trois dimensions (courbure extrinsèque). Les 2 formulations décrivent la même physique mais de manières différentes.

La contrepartie physique est que sa phénoménologie ne doit dépendre que de propriétés internes à cet espace-temps.

[3] De tout temps cela a été ressenti, empiriquement, par les humains. De manière générique, on l’appelait l’âme, concept qui a eu un très grand succès. Les pharaons auraient été les premiers à en bénéficier, (on y attachait un caractère divin). Mais dans leur grande mansuétude, et aussi pour calmer les esprits, ils l’ont généreusement accordée, très progressivement, aux autres catégories sociales. La tradition a perduré.

[4] Ce point est explicité en détail dans le livre.